Pépites #57, Around Jazz
Around Jazz, quelques pépites…
C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
Oiseaux-Tempête,
From Somewhere Invisible
Ce duo à géométrie très extensible nous avait habitués aux voyages, du côté de la Méditerranée plus précisément. Souvenez-vous de la Grèce, du Liban ou de la Turquie où nos Oiseaux-Tempête ont survolé les plus beaux paysages avant d’atterrir au cœur de l’underground local. Plutôt qu’un souvenir kitsch piégeant la poussière, ils ont ramené de ces périples le fruit de leurs collaborations riches en qualité. Mieux qu’un mode d’existence, ce traditionnel va (enregistrements sur place) et vient (mixage à Paris) s’est mué en quête philosophique, quasi politique. D’une rencontre naît une idée. D’une idée naissent les bases de chaque chanson (dès lors que nous nous autorisons à qualifier ces développements musicaux de la sorte) qui enrichit, album après album, un répertoire dégagé de la moindre contrainte. Pour ce quatrième album studio, toujours enregistré pour le compte du label belge d’avant-garde Sub Rosa, Frédéric D. Oberland et Stéphane Pigneul se sont rendus à Montréal. Ils répondaient ainsi à l’invitation de leur ami Radwan Ghazi Moumneh que l’on connaît mieux sous le patronyme Jerusalem in My Heart. La recette demeure intacte… Il est inutile de vouloir y apporter d’autres ingrédients. Les poèmes de Mahmoud Darwish, Ghayath Almadhoun et Yu Jian sont clamés par la voix de G.W. Sok, toujours aussi habité, tandis que les musiciens tissent leurs trames mélodiques post-rock, jusqu’à atteindre la transe. Entre envolées insaisissables et moments de grâce, les Oiseaux nous invitent à nouveau à une soirée diapo de toute beauté !
Cigarettes After Sex,
Cry
Avec ce patronyme, le groupe texan décroche la palme d’or dans la catégorie « meilleur nom de groupe ». Mais ce n’est pas suffisant pour nous allumer. Alors, on écoute les mélodies lancinantes et la voix androgyne de Greg Gonzales. On vous met au défit : rester insensible est tout simplement impossible. A la production comme pour le tempo de ses chansons, ce Gonzales n’est pas un speedy… Un EP, deux albums (en comptant ce bien-nommé « Cry ») et une poignée de singles en sept ans d’existence officielle. Le tout sur un rythme qui ne dépasse jamais les trente pulsations à la minute. Rien de bien grave en fait… Les hommes de Cigarettes After Sex prennent leur temps pour les préliminaires, puis nous en donnent du bon. Ils avouent une passion assumée pour les mélodies paresseuses de Cocteau Twins et pour le style éthéré d’Angelo « Twin Peaks » Badalamenti (mon Dieu ces claviers!). Nous leur rajouterons quant à nous une pincée de Blue Nile pour l’atmosphère (à propos, que deviennent-ils?) et une pointe de Chris Isaak pour les accords charnels de guitares. D’accord, ces Cigarettes After Sex ne jouent pas du jazz, mais leurs chansons sont faussement tendues, faussement désuètes, vraiment emballantes ! Alors ?! Heureux.se ?!
Tricycle,
Zoom
Vingt ans déjà, cet automne… Souvenez-vous de cette époque. On s’habitue peu à peu à convertir la valeur des euros qui traînent dans nos poches. On songe avec angoisse au futur passage à l’an 2000 et au fameux bug informatique qui nous pend au nez comme un sifflet de deux sous. Loin de cette agitation, trois jeunes gars se préoccupent peu de nos soucis. Ben tiens : un Flamand, un Bruxellois et un Wallon ! Vingt ans plus tard, ce détail n’a rien d’anecdotique ! Tuur Florizoone (accordéon), Philippe Laloy (saxophones) et Vincent Noiret (contrebasse) unissent leurs énergies pour former ce curieux attelage en tricycle qui sillonne aussi bien les chemins du swing que celui des valses tristes. A ses débuts, le trio accepte les missions les plus insolites. On les entend soutenir des performances (cirques, spectacles de danse); ils accompagnent les troupes de théâtre et courent les festivals de rue. La réputation de ces trois saltimbanques sympathiques prend de l’ampleur… Ils ouvrent grands leurs yeux et leurs oreilles et se jettent à corps perdu dans l’aventure (risquée) de musiciens professionnels. Entendre vingt ans plus tard ce « Zoom » (qui n’a rien d’une compilation nostalgique puisqu’il compte treize nouvelles compositions) est franchement rassurant. En 2019, et même si ce tricycle n’a que quatre albums à son actif, le trio ne lâche rien et poursuit la même route sans se formaliser. Vingt ans ! Ce bel âge, ils vous invitent à le partager en écoutant cet album et en les rejoignant dans leur vaste tournée de petits clubs qui, eux-aussi, survivent dans le Royaume. Tricycle en tournée en Belgique et aux Pays-Bas, du 11 novembre 2019 au 22 mars 2020 – AGENDA
Joseph « YT » Boulier