Brussels Jazz Orchestra – David Linx, BREL
David Linx – Brussels Jazz Orchestra, BREL
(Jazz Village/ Harmonia Mundi)
Il suffit de quelques clics sur internet pour se rendre compte de l’étendue de la renommée internationale de Brel. Bien sûr, toutes sortes de chanteurs, dans des langues diverses, ont repris ses textes, mais pas toujours de manière convaincante (une exception pour le “Voir un ami pleurer” d’Arno ou “Les Marquises” de Jacques Mahieux). Son “Ne me quitte pas” a fait le tour du monde, de Nina Simone à Frank Sinatra, en passant par Ray Charles, Dee Dee Bridgewater, Sting ou Barbara Streisand. Brel a même été adopté par les stars du pop-rock : “Amsterdam” de Bowie, “Le Moribond” de Beirut ou Nirvana. Quelques musiciens de jazz lui ont emprunté l’un ou l’autre titre : le “Ne me quitte pas” de Toots, de Jean-Paul Celea ou de Jacky Terrasson, “Amsterdam” de Michel Bisceglia mais aussi… d’Harry Beckett en compagnie de Joachim Kuhn (sur l’album “Les Jardins du Casino”, non cité sur Wikipedia). Mais personne n’avait encore eu l’idée de lui consacrer tout un album, en version “jazz”, dans la plus pure tradition réunissant voix et big band.
Ce qui, au départ, pouvait apparaître comme une vraie gageure se révèle être une réussite totale. D’une part, David Linx apporte aux chansons de Brel ses propres inflexions de voix, son sens inné du rythme; d’autre part, le Brussels Jazz Orchestra et ses six arrangeurs, Frank Vaganée, Nathalie Loriers, le trompettiste français Pierre Drevet, le tromboniste Lode Mertens, le saxophoniste Dieter Limbourg et Gyuri Spies, ont concocté un véritable écrin de swing et de groove pour y loger la voix: chaque chanson est traitée comme un véritable standard de jazz. Au niveau du répertoire, David Linx et Frank Vaganée ont opté pour un florilège de grands succès, des débuts des années 1950 (“Quand on n’a que l’amour”, “Ne me quitte pas”, “Le plat pays” un peu plus tardifs) jusqu’aux grands textes écorchés des années 1960 (“Amsterdam”, “Ces gens-là”), faisant alterner des rythmes endiablés ( “Mathilde”, “Bruxelles”, “Vesoul”, “La Valse à mille temps” dont le rythme s’emballe au fur et à mesure) comme des ballades langoureuses (“Ne me quitte pas”, “La chanson des vieux amants”, “Isabelle” chanté en anglais). Tantôt c’est la voix qui débute (“La chanson des vieux amants”), parfois le piano et la contrebasse (“Quand on n’a que l’amour”, “Ne me quitte pas”), d’autres fois, c’est l’orchestre qui lance la chanson avec vigueur (“Vesoul”, “Bruxelles”), avec un recours avisé à la puissance des différentes sections comme à la large palette sonore de l’orchestre, avec flûtes et clarinettes (“Isabelle”). Toutes les plages s’étalent de 5 à 8 minutes 55, laissant beaucoup de place à la voix, aux vocalises comme au scat (“Mathilde”, “Bruxelles”) mais aussi aux différents solistes : Kurt van Herck (saxophone ténor) sur “Quand on n’a que l’amour”, Marc Godfroid (trombone) sur “La chanson des vieux amants”, Nico Schepers sur “Vesoul” qui s’enchaîne adroitement avec “Amsterdam”, dans la version de Bowie, Bo van der Werf (saxophone baryton) sur “Ces gens-là”, Nathalie Loriers sur Mathilde, Dieter Limbourg (saxophone alto) sur “Le plat pays”, Jeroen Van Malderen (trompette bouchée) sur “Isabelle” et un Frank Vaganée déchaîné sur Bruxelles. David Linx s’était déjà montré à l’aise dans le répertoire pop (“Roxanne” de Sting sur l’album Moon To Your Sun avec Kris Defoort; “U2”, The Police, The Beatles, Jeff Buckley sur Is That Pop Music du guitariste français David Chevallier) comme sur les textes très “jazz” de Claude Nougaro (album Le Coq et La Pendule de Dédé Ceccarrelli), ici il transcende vraiment les chansons de Brel et inaugure une nouvelle perspective avec ce “Belgian Songbook”.
Claude Loxhay
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