Mette Henriette
Mette Henriette (Ecm)
Mette Henriette, voilà un drôle de sobriquet. Derrière ce patronyme un brin désuet se cache la sensation musicale de cette fin d’année 2015. Dans la jazzosphère, on ne parle que de cette Norvégienne quasi inconnue. La jeune saxophoniste est culottée ; elle propose, signés de son seul nom, deux albums : l’un en trio, dans une formule très originale, avec Katrine Schiøtt (prononciation à votre discrétion) au violoncelle et Johan Lindvall au piano ; l’autre accompagné d’un orchestre de douze musiciens issus du monde du classique, du jazz et des musiques improvisées. Les deux albums se complètent à merveille et rendent compte du bouillonnement créatif d’Henriette. On pourrait passer à côté d’une telle musique tant elle peut paraître au premier abord froide, insignifiante et peut-être même lisse. Mais de grâce tendez l’oreille. C’est dans l’écoute attentive qu’elle se révèle de toute beauté. Montez le son et entendez le nuancier de couleurs. Du silence au cri. De l’ébauche à l’urgence. De la mélancolie à la rage. Peu de notes. Toutes essentielles. On y croise les fantômes de Garbarek, Satie, Björk, Agnes Obel ou Sigur Ros. Retenue. Respiration. Espace. L’atmosphère est étrange, angoissante quelquefois. On jurerait parfois être au beau milieu d’un film de Lars Von Trier ou de David Lynch. Les pièces sont miniatures pour la plupart, énigmatiques dans leur forme et jusque dans leur titre. Elles semblent être à peine esquissés, juste le début de quelque chose, puis s’évanouissent en un instant. On en retrouve des bribes, des lambeaux dispersés façon puzzle au détour d’un autre morceau ; Henriette fait ainsi le lien entre les différentes pièces de ces deux univers. Ce double album s’écoute donc finalement comme une longue suite orgiaque et feutrée à la fois. Ce n’est ici pas tant l’œuvre d’une saxophoniste qui est mise en lumière (tant l’instrument y est en fin de compte assez peu présent, ou souvent mis en retrait) mais bien celle d’une compositrice qui ne s’interdit rien, aussi bien sur le fond que dans la forme, et qui porte une voix véritablement singulière dans la musique aujourd’hui.