Alonso – Iwase – Maubert, Le Jazz Non Plus…
Edith Alonso – Kumi Iwase – Antony Maubert
Le Jazz Non Plus…
Bruce’s Fingers est le super label du grand bassiste, compositeur et chef d’’orchestre atypique, Simon H Fell. Je m’étonne toujours que trop peu de critiques, organisateurs, personnes averties et groupies s’y intéressent. Ces dernières années, le label donne de belles opportunités à des artistes venus de nulle part, tels le trio espagnol Topus (The Hidden Forces) plutôt free-jazz, ou l’électrique The Geordie Approach (Inatween). Voici Le Jazz Non Plus, un intéressant projet de musique improvisée pointue, basé à Paris. Au piano préparé et objets, Edith Alonso, au saxophone et clarinette, Kumi Iwase et aux électroniques, Antony Maubert. Des morceaux intitulés Piste 01, Piste 02, jusqu’à la Piste 08, de différentes durées et intensités. C’est excellemment enregistré au Conservatoire Iannis Xenakis (Evry) par Antony Maubert. La table d’harmonie tremble, résonne, frémit, la colonne d’air divague sur une note ressassée, puis file dans une harmonique ténue, un sifflement glisse, prolonge le son du saxophone. Le trio s’anime dans les vagues des cordages percutés. Un belle improvisation ralentit et le souffle continu se love autour d’harmoniques étirées, obsédantes. Le disque de ce trio explore des occurrences sonores multiples, comme cet unisson en apesanteur dont la texture se métamorphose insensiblement vers des effets de nuages et un grincement métallique (Piste 02). Chaque plage longue ou courte donne lieu à une reconfiguration du champ sonore et à une prolifération de modes de jeux qui constamment se renouvellent autour de superbes atmosphères, grâce à une écoute mutuelle oblique, évolutive, nuancée. Le saxophone opte pour un filage de la note dans de singuliers glissandi presqu’ immobiles, surnageant dans l’étalement des frémissements des cordages qui s’amplifie sans discontinuer vers l’intense (Piste 05). L’aspect technique de la musique disparaît dans une recherche lucide d’un partage heuristique de sons découverts dans l’instant, des ostinatos sauvages, hésitants, des objets frappant les montants de la harpe, l’électronique sifflante qui meurt dans un soubresaut (Piste 08). Cette musique qui se mesure à notre capacité d’écoute, à notre réception du sensible. De beaux moments.
Jean-Michel Van Schouwburg