Esperanza Spalding, Emily’s D + Evolution
Esperanza Spalding, Emily’s D + Evolution
Dans une interview récente, Esperanza Spalding affirmait qu’elle n’avait signé aucun pacte avec le jazz et qu’elle se sentait dès lors libre de s’en éloigner à sa guise. Que lui reprocherait-on ? La (toujours) jeune Américaine a, semble-t-il, toujours opté pour la voie du cœur, celle qui ne laisse d’autre choix au doute que celui de s’effacer. Tour à tour violoniste, hautboïste et clarinettiste dans un orchestre symphonique, elle se dirigera vers le jazz à l’âge de l’adolescence, par amour pour une contrebasse dont les vibrations la font chavirer instantanément. De la contrebasse à la basse électrique, il n’y a qu’un tout petit pas… Le même que celui qu’elle franchit ici pour embrasser la pop et le funk dans des étreintes adultères passionnées. Celle qui fut autrefois courtisée par Prince et qui reçoit aujourd’hui un franc coup de main de Tony Visconti, le producteur de Bowie (l’effet du hasard ou une double réincarnation?), ne renie néanmoins rien de son passé. Il y a dans « Emily’s D + Evolution » la fine moelle quintessenciée du terme « fusion » : un petit brin de folie rock (les guitares de Good Lava sonnent comme du Tin Machine), un lyrisme qui nous rappelle parfois le jusqu’au boutisme de Kate Bush ( One) et beaucoup de titres que l’on jurerait chantés par la fille de Joni Mitchell (flagrant sur Noble Nobles). Le jazz, quant à lui, se contentera cette fois de ramasser les miettes (le bien nommé Judas). Mais son esprit protecteur plane haut sur ce cinquième album haut en couleurs psychédéliques. Nul doute que la belle d’Oregon nous réservera encore d’autres bonnes surprises dans le futur !
Joseph « YT » Boulier