Dre Pallemaerts, Coutances

Dre Pallemaerts, Coutances

Dre Pallemaerts, Coutances

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Après l’album “Pan-Harmonie” de 2007, voici “Coutances”, en référence au festival normand Sous les Pommiers. Parmi les titres de l’album, Brussel -Parijs évoque bien la double carrière de Dre Pallemaerts, son partage entre Belgique et France. Du côté belge, il a débuté avec Steve Houben, Michel Herr, Jacques Pelzer, a croisé Philip Catherine, Bert Joris, Ivan Paduart, Mélanie De Biasio mais aussi Octurn. Dans l’Hexagone, reconnaissance majeure de sa maîtrise technique et de sa musicalité, il a succédé à Daniel Humair au Conservatoire de Paris, il multiplie les enregistrements avec Baptiste Trotignon, David El-Malek, Stéphane Belmondo, Frank Amsallem ou François Théberge. Pour “Coutances”, à l’exception de Stéphane Belmondo, il retrouve l’équipe de “Pan-Harmonie”, de véritables complices avec lesquels il a souvent travaillé. Au saxophone ténor, Mark Turner qu’il avait déjà croisé pour le double cédé “Passages” de Kris Defoort, le quartet d’un côté, le Dreamtime de l’autre. Au piano, Bill Carrothers, dont il a fait partie du trio européen avec Nic Thys (contrebasse), avec un mémorable “Live at Village Vanguard” mais qu’il a aussi retrouvé au sein du quartet de Robin Verheyen (“Painting Space” en 2007, “Starbound” en 2009). Au Fender Rhodes, Jozef Dumoulin, un des musiciens belges les plus sollicités (Ellery Eskelin, Marc Ducret, Nate Wooley, Octurn, Lidlboj, Alban Darche), qu’il côtoie au sein du trio de Reggie Washington. Voici donc un quartet sans contrebasse mais avec une belle complémentarité entre la limpidité du piano acoustique (beau solo sur Brussel – Parijs avec le Fender en contrechamp) et un Fender Rhodes électrique aux sonorités ondoyantes (intro de For Anne, solo sur Première Pensée Rose + Croix, Moon Salutation et sonorités plus “agressives” sur Vritis). Tout au long des 8 compositions originales, auxquelles s’ajoute Première Pensée Rose + Croix de Satie (un compositeur classique qui a souvent intéressé les musiciens de jazz), que ce soit sur les ballades (For Anne, Oximore, Seva) ou sur les thèmes au tempo plus soutenu (Bela Monte, Brussel – Parijs, Vritis), on retrouve un jeu de batterie foisonnant, mais toujours précis et rigoureux, avec un beau jeu de cymbales (Seva), toujours au service de la musique et des musiciens: Dre “orchestre” sa formation. Chez Mark Turner, on retrouve sa sonorité feutrée, parfois quasi diaphane ((Sun Salutation), une sonorité qui fit sa singularité au sein de son trio avec Larry Grenadier et Jeff Ballard, mais aussi dans ce quintet réunissant Kurt Rosenwinkel et Brad Mehldau. Entre une Salutation au soleil et une autre à la lune, “Coutances”, avec son originale palette de tonalités chatoyantes, nous offre un très bel arc-en-ciel musical.

Claude  Loxhay

Né d’une résidence à « Jazz sous les Pommiers » à Coutances – d’où le titre de l’album – ce nouvel album du batteur Dré Pallemaerts eut pu trouver son inspiration dans les brumes du plat pays tant plane sur la quasi-totalité de l’album une douce langueur hypnotisante – Dré n’est pas pour rien le batteur de Mélanie de Biasio. Reprenez la formation de son album « Pan Harmonie » (B Flat, 2007) moins le trompettiste Stéphane Belmondo et vous aurez le quartet de Coutances, des fidèles donc de l’univers du batteur : le saxophoniste Mark Turner et les claviéristes Bill Carrothers et Jozef Dumoulin.  Sur la première pièce improvisée de l’album,  Sun Salutation,  Mark Turner joue sur le grain de l’instrument comme pour évoquer une fine bruine tombant sur la verte Normandie, alors que sur la deuxième improvisation, Moon Salutation, c’est Jozef Dumoulin aux claviers qui parsème le paysage musicale de touches impressionnistes; car toutes les pièces lentes semblent inspirer par des visions picturales, Première Pensée Rose + Croix d’Eric Satie nous confortant dans cette ambiance délicieusement onirique. Vrittis nous entraîne dans un univers plus urbain avec les sonorités électroniques de Dumoulin, Brussel-Parijs et Bela Monte nous emmènent sur des tempos plus énergiques, mais avant toujours autant de lyrisme. Loin de se mettre en avant comme leader –tentation souvent présente chez les batteurs – Dré Pallemaerts donnent les couleurs aux thèmes, joue à merveille des  cymbales et des toms, éclaire le jeu de ses partenaires plus qu’il ne nous éblouit. Si Dré a attendu tant d’années avant de nous offrir un nouvel opus, l’attente valait la peine tant cet album lumineux de bout en bout invite à des écoutes répétées.

Jean-Pierre Goffin