ONJ Records : Fabrice Martinez/Jean Dousteyssier

ONJ Records : Fabrice Martinez/Jean Dousteyssier

Jean Dousteyssier, Post K

Fabrice Martinez Chut, Rebirth

ONJ RECORDS

A côté des projets de l’Orchestre National de Jazz (ONJ), dirigé par Olivier Benoît (Europa -Paris, Europa – Berlin), ONJ Records produit d’autres albums. Ainsi, après “Petite Moutarde” de Théo Ceccaldi (violon) et Alexandra Grimal (saxophone ténor), un album chroniqué sur jazzaroundmag, viennent de sortir “Post K” du clarinettiste Jean Dousteyssier et “Rebirth” du groupe Chut du trompettiste Fabrice Martinez.

Elève de la classe de jazz du collège de Marciac, puis de la classe de jazz du Conservatoire de Paris, Jean Dousteyssier est le benjamin de l’ONJ. Membre du quatuor de clarinettes Watt, il fait aussi partie de l’Umlaut Big Band spécialisé dans la reprise de morceaux méconnus des années 1920-1930 et du sextet The Coquettes qui a notamment consacré un projet au contrebassiste John Kirby. Il a réuni ici trois autres anciens du Conservatoire de Paris et de l’Umlaut : son frère, le saxophoniste Benjamin Dousteyssier, le pianiste Matthieu Nalleau et le batteur Elie Duris. Le premier, élève de François Théberge, a aussi suivi des stages avec Fabrizio Cassol et Michel Portal. Le deuxième, s’il est membre de l’Umlaut et de The Coquettes, a multiplié les projets mêlant improvisation et musique contemporaine. Quant au troisième, après avoir croisé Wynton Marsalis à Marciac, il a joué avec Tony Malaby comme Alan Silva. Le projet Post K (entendez “après Katerina”) propose une ” lecture décalée du jazz de La Nouvelle Orléans”. Les 13 courtes plages de l’album voient ainsi se succéder Honeysuckle Rose de Fats Waller et Struttin’ With Some Barbecue d’Armstrong, vous font naviguer du Shreveport Stomp de Jelly Roll Morton au Charleston Rag d’Eubie Black, tout en côtoyant trois courtes compositions originales, très “libres”, des frères Dousteyssier.  Jean Dousteyssier passe de la clarinette à la clarinette basse (Honeysuckle Rose, ou Fingerbuster de Willie Smith The Lion), Benjamin de l’alto (China Boy, Lulu’s Back In Town) au ténor (Mean Dog Blues de Red Nichols) sur fond de piano stride. Même si on n’a pas affaire ici à une reprise pure et simple (à l’image de la formation belge Big Noise), mais à une volonté de confronter cette tradition de la Nouvelle Orléans au free jazz des années 1960-1970, le projet me laisse personnellement perplexe : n’est-il pas possible de générer sa propre syntaxe musicale sans référence prégnante au passé, ce que réalise l’actuel Orchestre National de Jazz ?

L’album Rebirth du trompettiste Fabrice Martinez s’inscrit, lui, dans une autre perspective, celle de “l’esprit Motown des années 1970”. Soliste à l’Opéra de Paris mais aussi disciple de Jean-François Canape, Martinez est sollicité par une foule de formations : Le sacre du Tympan de Fred Pallem, Supersonic de Thomas de Pourquery, Acoustic Lousadzak de Claude Tchamitchian, Archimusic de Jean-Rémy Guédon. Pour ce troisième projet personnel, après un album studio et un autre live, il a convié le claviériste Fred Escoffier à le rejoindre, ainsi qu’une rythmique chevronnée, constituée de Bruno Chevillon à la basse électrique (Louis Sclavis, Marc Ducret, Yves Robert, Michel Portal) et Eric Echampard à la batterie (trio de François Corneloup, de Marc Ducret, Mega Octet d’Andy Emler ou Vivaldi Universal de Christophe Monniot). S’il a pris des cours de piano avec Jean-Marie Machado et Martial Solal, Fred Escoffier se passionne, en parallèle, pour le piano préparé et le synthétiseur analogique. On le retrouve ici à différents claviers électriques au groove implacable dont certains rappellent le Rhodes trafiqué par Bojan Z pour Xenophonia (Rebirth, Roots). Les neuf compositions originales, signées par Martinez ou Escoffier, voient ainsi défiler des thèmes ébouriffants au tempo échevelé (Roots, P and T), qui se construisent souvent sur des motifs obsédants (Rebirth, Nino et Le retour des nuages), des mélodies planantes (Smity, Derrière la colline) et d’autres plus paisibles jouées à la trompette bouchée (Transe). Une musique qui s’inscrit dans l’ère  post Miles électrique.

Tout cela, dans la perspective du troisième projet de l’Orchestre National de Jazz, Europa – Roma, qu’on attend avec impatience, tout comme le concert d’anniversaire (30 ans !) qui se déroulera le 02 septembre, dans le cadre du Festival de La Vilette. Ce soir-là, l’ONJ sera entouré de ses dix chefs d’orchestre, en invités !

Claude Loxhay