Emile Parisien Quintet, Sfumato
Emile Parisien Quintet, Sfumato
Inutile d’enfumer le discours : ceci est sans aucun doute l’album le plus accompli du jeune saxophoniste français, point. Emile Parisien, je l’ai découvert avec son album « Au Revoir Porc-Epic », allusion non dissimulée au célèbre « Good Bye Pork Pie Hat » de Charlie Mingus, et avec l’album suivant « Original Pimpant », avec Julien Touéry au piano, Ivan Gélugne à la contrebasse et Sylvain Darrifourcq à la batterie. Si aucun des partenaires de ces deux premiers opus ne joue sur le dernier né, « Sfumato », on retrouve toutefois leur nom pour la composition collective enregistrée sur le premier album cité et refaçonnée ici : « Le clown tueur de la fête foraine » qui est une histoire en trois parties où on se laisse emporter par son imagination. Au quintet de base viennent s’ajouter en toute finesse –comment pouvait-il en être autrement ? – deux partenaires fidèles du saxophoniste, Michel Portal à la clarinette basse et Vincent Peirani à l’accordéon : la conversation est toujours plaisante, mélodique, même si le côté « tueur » du récit transparait par moments. Mais revenons-en au début : Préambule donne illico le ton de l’album où la mélodie, parfois éludée dans le jeu parfois cérébral d’autres albums du saxophoniste, prend le dessus, on entre directement dans la musique et on est frappé dès la première écoute de la part prise par Manu Codja, dont les « décors » se fondent à merveille dans la musique, une façon de teinter le discours de ses partenaires sans en faire trop; le titre de l’album « Sfumato » – technique de peinture qui floute les contours – prend tout de suite son sens. Quant à Joachim Kühn, si on a l’habitude de l’entendre magnifier tous les projets auxquels il participe, on est une nouvelle fois emballé par son jeu mêlé de lyrisme et d’expressivité, son duo avec Emile Parisien en hommage à Daniel Humair, intervient au mitan de pièces en quintet comme une respiration improvisée aux accents “colemaniens” ( la composition en est attribuée au pianiste). Quant à la paire rythmique composée de Simon Tailleu (qu’on entend sur une production récente de la Sowarex : « Tout Finira Bien » de Gilles Bourgain) et Mario Costa, elle brille par sa discrétion ( et, svp, prenez-le comme un compliment) tout en se montrant indispensable, le batteur privilégiant souvent les fûts plutôt que les cymbales. Après les trois actes du « Clown tueur de la fête foraine », l’album se termine sur une autre pièce en deux parties cette fois, Balladibiza – allusion-hommage à Joachim Kühn et son album « Free Ibiza » ? – délicieusement apaisant.
Jean-Pierre Goffin