Collard Neven-Houari, Yalla

Collard Neven-Houari, Yalla

Jean-Philippe Collard Neven – Nasser Houari,

Yalla

IGLOO RECORDS

Yalla: “allons-y”… Une rencontre Orient-Occident, entre un maître de l’oud arabe et un pianiste héritier de la tradition classique mais ouvert à l’improvisation jazz ? Une musique du monde ? Un jazz arabisant ? Par delà ces frontières factices et arbitraires, pourquoi  ne pas parler d’une rencontre entre deux fortes personnalités musicales qui appartiennent à la même génération : l’un né à Rabat, l’autre en région liégeoise, mais tous les deux en 1975 ? Pourquoi étiqueter une musique qui allie maîtrise des traditions et envie de dialogue fusionnel ? On devrait parler d’un vrai échange passionné : pour preuve la longueur des thèmes. A l’exception de Longa farahfaza (3’50), toutes les plages sont longues de 6 à 11 minutes, le temps pour chacun de s’exprimer ad libitum. Ces dialogues entre Orient et Occident existent depuis un petit temps. Rappelons-nous du groupe Chemins croisés de Nathalie Loriers, d’abord avec l’oudiste Yiad Elyes (Gaume Jazz) puis Karim Baggili (album L’arbre pleure, chez Igloo également) ou l’album Doux désirs qui réunit l’Egyptien Ihab Radwan (oud) et Michel Godard (serpent/tuba). Doté d’une solide formation classique,  J-P.Collard Neven s’est toujours intéressé à l’improvisation (album Out Of Focus en solo) et ouvert aux rencontres, d’abord en duo avec le contrebassiste Jean-Louis Rassenfosse (Regency Nights, Second Move), puis en quartet avec Fabrice Alleman et le percussionniste Xavier Desandre Navarre (Braining Storm), avec Rassenfosse  et le quatuor Debussy (Filigrane), avec les Canadiens Michel Donato (contrebasse) et Pierre Tanguay (Mardi 16 juin) ou avec le baryton José Van Dam autour du tango. Formé au Conservatoire de Rabat, Nasser Houari est le lauréat de nombreuses distinctions comme le Prix spécial du luth à l’Opéra du Caire. Il a composé des musiques pour le théâtre et  le cinéma. Il a enregistré trois albums personnels : Takassim Oud en 2002 dédié à la grande tradition de l’oud, un deuxième consacré à des compositions originales et Akham Mélodies (2006) en hommage à la légendaire Oum Kalthoum. Le répertoire de Yalla illustre ces ponts lancés entre tradition et innovation : 3 compositions de Houari, 3 de Collard Neven et 3 classiques signés Riad al Sumbati (compositeur arabe du début XXe qui a beaucoup écrit pour Oum Kalthoum) ou Farid el Atrache (compositeur syro-égyptien, virtuose de l’oud). Selon les plages, c’est l’oud qui porte la mélodie (Son Bati, Raqsat al Jamal), d’autres fois, c’est le piano (Mamouche) à charge pour l’autre de maintenir l’assise rythmique, toujours avec une ouverture à l’improvisation. Mais, la plupart du temps, c’est à un vrai dialogue empathique que l’on assiste (Piet-Achmet, Gulnara), tantôt au travers de mélodies empreintes de sérénité, tandis que, pour d’autres, comme Souk al abid et Mamouche, le rythme s’emballe au fur et à mesure, avec des effets de percussion sur l’oud. Une rencontre parfaitement aboutie, un vrai échange par-delà des étiquettes formatées et conventionnelles.

Claude Loxhay