Jazz Middelheim 2012 : dimanche torride !
Dimanche torride pour l’édition 2012 de Jazz Middelheim !
Parmi les festivals de l’été, le Jazz Middelheim d’Anvers reste un des grands classiques, avec son lot de figures mythiques, comme Abdullah Ibrahim, Toots, Larry Corryell ou encore Philippe Catherine. Mais aussi, sa promesse de réelles découvertes : Mixtuur, le nouveau trio de Kris Defoort, Zara Mc Farlane, une des dernières révélations de la scène britannique. Une seule défection cette année : Ornette Coleman, malade, suite à une intoxication alimentaire, a dû être remplacé en dernière minute par John Zorn, excusé du peu !
Le Middelheim reste aussi une excellente vitrine pour le jazz belge. Ainsi, le dimanche 19 août, s’ouvrait par deux nouveaux projets. Ainsi, à 15h30, le Flat Earth Society, sous la direction du clarinettiste Peter Vermeersch, partait à la rencontre d’un des enfants terribles de la scène hollandaise, le violoncelliste Ernst Reijseger, fondateur du Trio Clusone avec Han Bennink, et membre du quintet de l’Américain Gerry Hemingway. Fort de ses 15 membres polyinstrumentistes, le Flat Earth Society sort résolument des sentiers battus, rappelant à certains moment l’explosivité festive du Willem Breuker Kollektief. Cela valut de beaux moments d’échanges entre l’orchestre et son invité : de beaux passages à l’archet en duo avec le contrebassiste Kristof Roseeuw, le violoncelle tenu telle une guitare pour des pizzicati survoltés, des solos endiablés de Michel Mast (saxophoniste ténor) ou Bart Maris (trompette).
Autour de 17h30, le compositeur et pianiste limbourgeois Jef Nevevenait présenter son tout nouveau projet “Sons of the New World”, ces enfants de l’internet pour qui le monde, en ces temps tourmentés, est désormais un grand village. Mais ces nouvelles compositions, enregistrées en juin et prêtes à sortir dès le mois d’octobre pour le label Universal, sont aussi l’occasion d’évoquer les nombreux voyages du pianiste, avec ses complices, de Barcelone à la Chine. Pour ces nouvelles compositions au lyrisme enflammé, le trio, composé de Sean Fasciani à la contrebasse et de l’immuable Teun Verbruggen à la batterie, accueille cinq souffleurs : Myrddin De Cauter (le fils de Koen) à la clarinette, l’Italo-américain Michael Campagna au saxophone ténor et à la flûte, Jo Hermans à la trompette (pour le dernier thème) et au bugle (pour le reste), Pieter Kindt au trombone et, plus discret, Bart Indevuyst au cor. Un peu comme Brad Melhdau, Jef Neve avait déjà fait appel à des souffleurs sur les albums “Blue Saga” et “It’s Gone”, notamment Pieter Kindt, mais ici la palette sonore s’élargit encore, avec de beaux solos de ténor et de bugle ou encore cette mélodie arabo-andalouse sur laquelle Myrddin De Cauter abandonne la clarinette pour montrer toute sa maîtrise de la guitare flamenco.
En début de soirée, à 19h30, le contrebassiste Avishai Cohen, qui, après un passage auprès de Chick Correa, a décidé de se replonger dans ses racines juives, sut conquérir le public avec ses mélodies tournoyantes et ses rythmes obsédants, parfois répétitifs, avec certains effets racoleurs : boucles virevoltantes du piano d’Omri Mor ou interminable solo de batterie d’Amir Brelser avec peau de grosse caisse distendue.
Vers 21h30, le pianiste sud-africain Abdullah Ibrahimentrait en scène pour une première improvisation en solo puis il était rejoint par son groupe Ekaya. Formé il y a près de trente ans (l’album éponyme a été enregistré en novembre 1983), le premier septet d’Ekaya comprenait alors Carlos Ward au saxophone alto et à la flûte et Ricky Ford au ténor. La nouvelle phalange se montre digne de ses prédécesseurs avec des solistes de premier plan : Cleave Guyton (saxophoniste alto incisif et belle sonorité à la flûte), Keith Loftis (saxophone ténor rageur), Andrae Murchsion (trombone), Tony Kofi (basse), Noah Jackson (contrebasse) et Will Terrill (batterie). Comme sur le dernier album du septet, “Sotho Blue” (2010), défilèrent ces magnifiques mélodies langoureuses aux allures d’hymnes incantatoires, comme les classiques “The Mountain” ou “The Wedding”. Âgé de 77 ans, le pianiste natif du Cap n’a rien perdu de son lyrisme envoûtant.
Claude Loxhay