Pépites #44, Around Jazz
Around Jazz, quelques pépites…
C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
Donder, Keukenpraat
Nous nous étions quittés sinon fâchés (impossible, ce sont nos chouchous), du moins un peu décontenancés à l’écoute du deuxième album de Donder, enregistré à Copenhague sous le regard serviable du souffleur Lars Greve. Un cédé très (trop?) hermétique au cours duquel le trio anversois affirmait son émancipation, mais perdait aussi en harmonies ce qu’il gagnait en maturité. Les cartes sont rabattues, le ballon posé au centre de la cuisine, où ces « conversations » démarrent en accords solennels, puis s’ébrouent dans un fracas de cymbales. Mais bien vite, le piano de Harrison Steingueldoir impose sa mélancolie introspective aux deux autres instruments, bien souvent réduits à un service minimum. Peaux caressées, frottements de cordes et froissement du vide… Plus rien ne viendra perturber cette quiétude un peu triste. Chez Donder, les conversations de cuisine s’engagent de façon intimiste. Revenu quelque peu dans le rang de la musicalité, le trio nous offre ici de beaux mouvements cinématographiques sculptés dans l’argile du murmure. On leur pardonne donc tout, mais admettons qu’au fait, qu’il n’y avait rien à leur pardonner…
Trond Kallevag Hansen,
Bedehus & Hawaii
Ca y est ! Le label au petit hibou a encore frappé ! Et devinez !!! Oui, encore un musicien norvégien… Un de plus, qui s’additionne à un réseau déjà bien fourni, et dont les « pépites » sont particulièrement friandes. Il s’agit cette fois d’un guitariste, qui pratique le picking doux et s’inspire des improvisations du jazz, mais aussi du country/folk que l’on entend dans les grands espaces américains. Un ressenti d’autant plus fort que notre homme s’est associé ici au légendaire Geir Sundstol, dont la pedal steel est omniprésente. Un guide fort de son expérience, qui trace le chemin comme une lanterne au milieu d’une forêt sensible et légère. « Bedhus & Hawaii » nous plonge dans une quiétude poétique, élimine le stress et localise Trond Kallevag Hansen à bonne hauteur sur l’échelle des héritiers de Ry Cooder et Bill Frisell.
Nicolas Folmer,
So Miles
Alors comme ça, on fait son Miles! Un Miles examiné sous l’objectif grand angle, qui brouille toutes les périodes. Un hommage (car oui, c’en est un) qui aborde aussi bien les premiers émois que la période électrique (Around Pinocchio). Des (re)compositions aux noms suggestifs (Gil Ahead) qui alternent des moments de cool jazz et des influences nettement plus denses, en quintet parfois augmenté. Deux reprises aussi, car Nicolas Folmer s’est posé la question : après Cindy Lauper en 1985, en imaginant que Miles soit toujours vivant, qui aujourd’hui ? Réponse : Michael Jackson et Daft Punk ! Il y a quelques jours, je lisais une interview accordée par Manu Katché à nos collègue du Soir : « Les maîtres, Parker, Coltrane, Monk, Davis, nous ont laissé (…) de très beaux cadeaux sur lesquels rebondir. Servons-nous de leur apport (…) et faisons quelque chose qui puisse s’inscrire dans notre époque ». « So Miles » est un disque de notre époque qui nous plonge dans l’atmosphère Miles. Une atmosphère qui rend les gens heureux et permet à l’esprit d’un peu s’égarer, en fin de nuit, un bon Courvoisier à la main. Avec son timbre si particulier, Miles aurait dit : « Thanks, Nicolas ! »
Joseph « YT » Boulier