Pépites #46, Around Jazz
Around Jazz, quelques pépites…
C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus. Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
Norah Jones,
Begin Again
Norah Jones, un nom qui claque ! Comment s’en relève-t-on ? Oui, comment se relève-t-on d’être Norah Jones ? Une signature précoce chez Blue Note… Puis un premier album qui cartonne : « Come Away with Me » s’est vendu à vingt millions d’exemplaires. Un succès immédiat, sous l’œil attentif de papa Shankar (avec lequel elle a connu une relation tumultueuse), mais qui suscite aussi la jalousie… Comme tout succès. Elle n’en n’a cure. Norah poursuit sa route, imperturbable et décroche au passage l’un ou l’autre rôle au cinéma (craquante dans «My Blueberry Nights» de Wong Kar-Wai). Bref, pas de souci à se faire en ce qui la concerne : de tout cela, on s’en relève ! Avec, par exemple, la parution d’un septième album, « Begin Again ». Un titre qui interroge… Comme s’il fallait oublier tout ce qui précède. Ou plutôt parce que quand on s’appelle « Norah Jones », on doit se remettre en question et en danger, disque après disque. Celui-ci, elle le présente comme une collection de singles. Elle n’a pas dit « collection de succès ». Non, mais sept petites perles (rien de plus), enregistrées individuellement sur une période d’un an, en sessions brèves. Sept chansons évidentes, à fredonner dès la première écoute. Jazzy pop, gentillettes prétendront à nouveau les grincheux. Norah Jones, son nom qui claque, son succès qui énerve certains, ses magnifiques chansons… L’entendre, ça fait déjà du bien !
Hugo Race Fatalists,
Taken By The Dream
Louons Hugo Race ! Vénérons celui qui a fait partie de l’aventure punk de Melbourne. Celle qui a révélé au monde quelques personnages mythiques du rock comme Rowland S. Howard, Mick Harvey ou, bien évidemment, Nick Cave, qui l’engagera au sein de ses fabuleux Bad Seeds. Nick Cave avec lequel Hugo Race partage ce don pour vous torcher une mélodie en béton, en un quart d’heure et trois accords. D’un tempérament boucanier, il n’hésite pas non plus à négocier des collaborations où on ne l’attend pas. On se souvient par exemple d’un très songeur « Long Distance Operators » enregistré avec la violoniste bruxelloise Catherine Graindorge, pour le compte du label Sub Rosa. Rien de tout cela ici… Avec ce nouveau « Taken by the Dream », Hugo Race revisite ses fondamentaux. Dix chansons mid-tempos sombres sur lesquelles il pose une voix de barde (façon « viens donc fiston et installe-toi, j’ai une ou deux choses à te raconter… ») et joue des guitares qui résonnent dans la nuit profonde. Pas à dire : ceci n’est pas un disque de jazz ! Mais que c’est beau, que c’est efficace !
Klaus Paier – Asja Valcic,
Vision for Two, 10 Years
La formule accordéon/violoncelle n’est certainement pas fréquente dans la sphère du jazz. Mais pas inédite non plus, puisque Klaus Paier & Asja Valcic ont déjà enregistré quatre cédés de la sorte pour le compte du label allemand ACT Music. A l’occasion de ce « Vision for Two », le duo autrichien fête ses dix années de collaboration, entamées avec un A Deux (en français dans le texte) évocateur. En vérité, cette formule atypique offre pas mal de latitudes. Si chaque titre de « Vision for Two » est une composition originale, il aurait tout aussi bien pu appartenir au répertoire classique (certains titres le suggèrent d’ailleurs : Mozart Incognito, Dans l’esprit de Debussy). Ou à la tradition musicale argentine (Straight Thirteen). Le tout avec cette petite touche d’improvisation jazzy toujours bienvenue… Un duo vieux de dix ans, en constante recherche de langages neufs, et qui n’hésite pas à se réinventer de nouvelles perspectives.
Joseph « YT » Boulier