Bai Kamara Jr, retour sur Salone
Bai Kamara Jr., retour sur Salone !
Bai Kamara Jr retrouve les racines de « Salone », la Sierra Leone, son pays d’origine.
C’est aussi le titre de son nouvel album. Rencontre.
Propos recueillis par Jean-Pierre Goffin
Quelles sont les souvenirs musicaux que vous avez de votre enfance ?
Un de mes oncles me faisait écouter Marvin Gaye. Quand je vivais en Sierra Leone, on captait un programme appelé « Top of the Pop », et quand je suis arrivé en Angleterre, la musique anglaise ne m’était pas étrangère, mais j’étais plutôt hors de la mouvance commerciale : j’écoutais Lou Reed, ZZ Top… J’ai écouté Prince, Sade, Police… Mais aussi les Stones, les Kinks, les Animals…
Et l’étude de la musique ?
J’ai commencé à étudier la musique quand j’étais étudiant au Royaume-Uni, mais plutôt comme un hobby. J’avais reçu une guitare pour mes dix-sept ans et je m’étais mis à essayer de composer des chansons, mais je ne voulais pas m’engager dans un groupe, il n’était pas question de devenir professionnel. Puis, je suis parti au College à Manchester. A l’âge de 23 ans, je suis arrivé en Belgique parce que ma mère qui était ambassadrice y a été envoyée. J’ai poursuivi des études ici à Louvain et à Mons dirigées vers l’administration car mes parents étaient dans ce milieu. C’était un peu à quoi je me destinais.
Y a-t-il eu alors un déclic ?
J’ai continué à composer ici et plusieurs personnes m’ont dit que j’avais une belle voix et que je devais chanter mes propres chansons. Ça a débuté un peu comme un accident, il n’y avait aucun plan de carrière. Ma carrière a commencé ici. Quand j’ai débuté en tant que professionnel, Bruxelles était la bonne place, parce que c’est un carrefour culturel… il y avait beaucoup d’endroits où on jouait du jazz, du blues, le « Bison Blues Bar » parmi d’autres… C’était inévitable que ces sons influencent ma musique.
Le blues c’est assez nouveau.
Absolument, mais j’ai toujours aimé le blues. Mais c’est maintenant que j’ai senti que je pouvais avancer dans cette musique. J’avais déjà joué dans beaucoup de style – rock, R&B, soul, funk…- et je me suis dit qu’à 50 ans, il était temps de m’engager dans le blues. Mais je ne voulais pas faire un disque de blues comme les Américains le faisiaent : je voulais un disque de blues qui montre mon histoire. J’ai été très chanceux de vivre à la fois la culture africaine et européenne, et je pense que dans mon disque, il y a aussi les sons de Bruxelles, des concerts que j’ai donnés dans des clubs.
Quels sont les éléments dans votre disque qui peuvent être associés à votre pays d’origine ?
Dans une chanson comme « Homecoming », il y a du fingerpicking qui est typique de la guitare acoustique de la Sierra Leone. Il y a aussi « The Rest of Everything » : c’est la sorte de musique où on retrouve la « palm wine music » de mon pays, un style joué sur la côte dans la partie anglophone du pays… On trouve aussi ce style au Ghana.
Selon les morceaux, on pense au blues du Delta ou au blues plus électrique de Chicago.
Je me sens toujours comme un étudiant en ce qui concerne le blues, j’ai découvert le blues du Delta, le blues de Chicago… Mais pour moi, je voulais faire un disque personnel influencé par ce qui est autour de moi. Bruxelles est vraiment le carrefour de ma musique. Ici, on peut trouver toutes les influences, c’est un peu le son de Bruxelles.
« Salone » est le nom de votre pays en Krio.
Le Krio est une langue commune en Sierra Leone, qui a été amenée par les esclaves libérés à Freetown, la capitale. C’est un mélange de français, d’anglais, de portugais… C’est la langue des marchés, mais la langue officielle est l’anglais qui est en fait parlé par peu d’habitants. Il y a plus de quinze langues en Sierra Leone.
Votre disque, c’est un tribut à la Sierra Leone, un des pays les plus pauvres, le blues lui colle bien ?
C’est en effet un hommage à mon pays. Vous savez, mon pays a connu la guerre civile, Ebola… Mais même si nous avons traversé de nombreuses souffrances, nous sommes un peuple joyeux, et si on n’oublie pas les malheurs, on essaie de passer par-dessus. Mais aussi, on pense que le blues parle de tristesse, ce qui est faux : John Lee Hooker avait un grand sens de l’humour, et j’essaie d’apporter cela aussi dans mes chansons. Les paroles tentent aussi de rendre le message plus léger.
Vous allez entamer une tournée avec quatre musiciens, mais l’album a été enregistré par vous seul
Je joue tous les instruments sur l’album, sauf une ligne de basse à la fin d’un morceau. Et ce n’est pas quelque chose de planifié, c’est arrivé comme ça. En fait j’ai eu une résidence à Paris à « La Bellevilloise » dans le XXe (un centre culturel et artistique) pendant neuf mois où je jouais un week-end par mois. Et après ma balance, je me rendais dans un magasin d’instruments africains et j’en ramenais des calebasses, de nouvelles percussions. J’ai appris à en jouer puis j’en ai fait des démos et j’ai construit un son propre avec ces instruments. Ça m’a permis de créer une ambiance, c’était un challenge de parvenir à ce que je cherchais. Je crois que ce qui est important dans la musique de cet album c’est la sincérité, l’humilité, il fallait que chaque note signifie quelque chose. Parfois, c’était simplement la guitare et un battement de pied, et c’était ce dont la chanson avait besoin. J’ai appris beaucoup sur moi-même avec cet album.
Bai Kamara Jr sera en concert au Marni (Bruxelles) le 23, au Reflektor (Liège) le 25, au Théâtre Passion (Namur) le 2 février, au Festival de Tournai le 1er mai.