Pépites #76, Around Jazz
Around Jazz, quelques pépites…
C’est du jazz… mais pas tout à fait non plus.
Voici une collection de disques qui méritent qu’on leur rétrocède une oreille très attentive.
Irreversible Entanglements,
Who Sent You ?
Irreversible Entanglements… Irreversible Entanglements ! Deux mots que l’on répète parce que c’est facile de s’abandonner à cette musique, mais qu’il sera plus difficile d’en retenir le nom. Maîtrisons ! Irreversible Entanglements… Une musique dont l’énergie suinte de tous ses pores. Qui titube de tout son soûl… Un jazz si libre qu’il invite l’esprit punk à venir galiper dans son lit. Et qui se lève, insatiable, au milieu de la nuit, pour forniquer vers d’autres horizons… Le hip-hop et l’Art Ensemble of Chicago tout entier l’attendent ailleurs, dans la nuit moite de Brooklyn. Les incantations furieuses de la poétesse Moor Mother, intimidantes comme une ligne de contrebasse qui vous transperce de ses vibrations. Des explorations africaines et libres. Libres et africaines encore ! Des cuivres coltraniens qui poussent le texte de Mother jusqu’à ses dernières limites. Juste avant le plongeon dans les abîmes. Des tambours fiévreux qui retiennent ces mots violents comme une injustice sociale que l’on prend dans la gueule sans l’avoir vue venir. Quand la détresse cède son siège glacial au défit ! Coup de cœur que l’on aurait aimé applaudir au Beursschouwburg – foutu virus !
Sefrial,
Sefrial
Ce disque nous interpelle ! D’abord parce qu’il sort des habituels passages cloutés. Remarquez, pas tout à fait non plus. Ce premier album de Sefrial nous fait terriblement penser à cette mouvance jazz & rock qui nous provient de Flandre, et pour laquelle nous ne cachons pas notre ferveur. Ce qui nous fait une deuxième (bonne) raison de vous en parler. Mais contrairement aux Nordmann, HAST et Dans Dans, ce quintet provient de Bristol, un ville anglaise foisonnante en matière de musiciens ingénieux. Faut-il rappeler que c’est dans cette région que le trip hop a effectué ses premiers pas ? Nous nous égarons car il ne sera absolument pas question de breakbeat ou de soul ici. Sefrial, c’est d’abord un son. Deux saxophones et une guitare au service de la mélodie et une section rythmique pour l’encadrer. Si le single « Stone Eye » évoquait un croisement improbable et incontrôlé entre les Shadows et les Cramps, le groupe peut aussi à certains moments actionner la touche « économiseur d’énergie ». Mais à la façon d’Animal, le batteur du Muppet, il ne faudra pas trop longtemps raison garder… Et vogue à nouveau le navire… Vers des cieux prometteurs.
Lou Tavano,
Uncertain Weather
Imaginez une maison vide, juchée sur une falaise écossaise, face à la Mer du Nord. Dans le salon trône le piano à queue, l’ami qui traversera avec vous ces moments de confinement que vous vous imposez. C’est ici que se situe la genèse de l’album « Uncertain Weather », un titre qui sonne comme une évidence, comme l’expression d’un ressenti douloureux. A deux, car cet album, la chanteuse parisienne l’a composé avec son compagnon, le pianiste Alexey Asantcheeff. Et en effet, ces chansons nées face à la Mer jouent l’équilibrisme entre l’introspection et l’émotion. Entre doutes et espoirs. Entre le jour naissant et la nuit tombante. Si ce deuxième album de Lou Tavano fait bien partie du répertoire du jazz, on perçoit néanmoins l’influence de compositeurs classiques qu’elle vénère. Chopin et Bach, qu’elle cite dans la biographie promotionnelle. Bien souvent, c’est le violoncelle qui occupe le devant de la scène, en se faufilant entre le piano, la rythmique et la voix. Mais alors quelle voix ! Atypique, fragile. Une complainte en ces temps incertains.
Joseph « YT » Boulier