Tony Allen, Rejoice

Tony Allen, Rejoice

Tony Allen / Hugh Masekela un duo enfin publié.

« Rejoice » (WorldCircuit) est l’unique témoignage d’une collaboration entre le maître de l’afrobeat et le trompettiste/bugliste sud-africain. Entretien sur l’histoire de cet album réalisé en deux temps.

Propos recueillis par Jean-Pierre Goffin

Lors d’un de vos derniers concerts en Belgique (à Flagey en janvier 2019), vous êtes intervenu une seule fois pour dire : « Je ne parle pas beaucoup, sauf quand c’est nécessaire » Donner des interviews pour cet album est donc quelque chose d’important ?

(rires) Oui, je dis souvent ça en concert et c’est vrai que je ne suis pas bavard. Hugh (Masekela) est quelqu’un d’important pour moi. On s’est rencontré dans les années 70 au Nigeria, il jouait avec Fela Kuti avec qui il était très lié, ce qui m’a permis de jouer avec tous les deux. Ensuite, on s’est souvent croisé lors de festivals, Hugh était considéré comme un des meilleurs trompettistes et on s’était dit qu’on ferait un jour un disque ensemble. 

« Rejoice » est donc le premier et seul disque que vous aurez enregistré ensemble ?

C’était à Londres en 2010 entre deux concerts, une séance de studio à trois : trompette, basse, batterie. Mais on n’a pas eu le temps de terminer le travail et on s’était dit qu’on se reverrait pour peaufiner la musique mais ça ne s’est pas passé comme ça : Hugh est décédé avant. 

Les compositions ne sont pas signées, c’est au départ un travail d’improvisation ?

On peut dire ça : en fait, je dessinais des motifs (« patterns ») rythmiques à la batterie et Hugh Masekela improvisait et chantait dessus. 

Lorsque vous êtes retourné en studio pour retravailler l’album, vous avez choisi des musiciens de la scène contemporaine anglaise, pourquoi ?

C’est le producteur qui a amené ces musiciens pour donner une ambiance d’aujourd’hui aux morceaux, mais ce sont des musiciens, comme Mutal Chashi à la basse électrique, qui sont inspirés par l’afrobeat, la musique de Fela Kuti et les rythmes d’Afrique Occidentale. 

Un de vos derniers disques est un hommage à Art Blakey et la couverture de « Rejoice » fait terriblement penser aux pochettes du label Blue Note.

Là aussi, c’est le choix du producteur. 

Un des morceaux s’intitule « Lagos Never Gonna Be The Same » : c’est le souvenir de Fela Kuti ou ce titre a-t-il un sens plus politique ?

Ce sont les deux. La période de Fela Kuti à Lagos a été très riche sur le plan musical et j’en garde de grands souvenirs, il y avait de la musique partout ! Mais la situation de mon pays n’est pas du tout encourageante, c’est devenu une jungle urbaine. J’y retourne régulièrement, j’y ai passé Noël et Nouvel An. Les gens n’ont plus rien pour se divertir et après avoir trouvé un lieu, j’y ai donné un concert bénévole pour amuser les gens de là-bas. 

Vous chantez/slammez sur « We’ve Landed », un message aux jeunes d’aujourd’hui.

Oui, je l’adresse aux jeunes, 17, 18, 19 ans, je le dis dans le texte, je parle à ce groupe d’âge qui s’amuse beaucoup, beaucoup trop, les smartphones, les jeux, l’internet, on reste enfermé chez soi et on ne fait rien. Je leur dis que ce n’est pas sérieux, c’est de la paresse, que ce n’est pas ça la vie. 

J’en reviens à ce concert belge : vous terminiez votre speech en disant que ce que vous vouliez, c’est de faire de votre mieux pour satisfaire le public.

C’est vrai. Quand je suis sur scène, tous les efforts, l’imagination que je développe sont là pour que les gens soient bien, apprécient. Sur scène, c’est mon leitmotiv. 
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