Orchestre National de Jazz : Dancing In Your Head(s) / Rituels

Orchestre National de Jazz : Dancing In Your Head(s) / Rituels

Dancing In Your Head(s)
ONJ Records
Direction: Frédéric Maurin

Rituels
ONJ Records
Direction: Frédéric Maurin

 

Voici donc le douzième ONJ, avec, à sa tête, le guitariste et compositeur Frédéric Maurin qui a dirigé, pendant 14 ans, l’ensemble Ping Machine, un orchestre de 15 musiciens qui a notamment enregistré « Easy Listening » et « Ubik » et dont plusieurs acteurs se retrouvent ici (entre autres, les saxophonistes Fabien Debellefontaine et Julien Soro, le claviériste Bruno Ruder ou le batteur Rafaël Koerner). Frédéric Maurin a aussi été le président de la Fédération des Grands Formats. Influencé par les guitaristes du rock, Jimi Hendrix, Frank Zappa, David Gilmour, il s’intéresse aussi bien au jazz qu’à la musique contemporaine, notamment à la “musique spectrale” basée sur “la mutation du son”. A l’actif de ce nouvel ONJ à géométrie variable, deux albums sortis en août dernier. Deux projets très différents. D’abord, « Dancing in your head(s) » dédié à la musique d’Ornette Coleman, le premier à utiliser le terme “free jazz” pour son double quartet de 1960. Ensuite, le double album « Rituels », œuvre collective avec voix et 13 instrumentistes dont cordes.

Pour « Dancing In Your Head(s) », hommage à Ornette Coleman, Frédéric Maurin a rassemblé une équipe de 15 musiciens (5 saxophonistes, 5 trompettistes, 2 guitares, Fender Rhodes, basse électrique et batterie), avec, en invité sur trois plages, le saxophoniste alto américain Tim Berne qui a déjà collaboré avec des musiciens français comme Marc Ducret. Au répertoire, 7 plages basées sur des compositions d’Ornette, avec, pour trois d’entre elles, un couplage de titres, ainsi que « Something Sweet, Something Tender » d’Eric Dolphy et Dogon A.D., soit deux grands noms de cette époque. L’un qui a côtoyé John Coltrane, l’autre qui a fait partie du World Saxophone Quartet. Le tout, à deux exceptions près, dans une orchestration fouillée de Fred Pallem, le leader du Sacre du Tympan. Pour ce « Dancing In Your Head(s) », titre emprunté à un album d’Ornette, Maurin a fixé son choix sur des compositions de périodes différentes. Que ce soit celle du quartet acoustique, avec Don Cherry, pour « Lonely Woman » ou celle électrique du Prime Time (« Jump Street », « Feet Music », « City Living ») mais avec une volonté de mêler jazz, blues et groove électrique. Ce qui frappe dès la première plage (un couplage entre « Feet Music » et « Open to the Public), c’est la masse sonore imposante de l’orchestre, une masse dense et touffue de 10 souffleurs, galvanisée par la batterie de Rafaël Koerner et quatre instruments électriques (guitares, basse électrique et Fender). Le tout se déroule dans une sorte de joyeuse anarchie, avec superposition de couches sonores et de larges espaces pour les solos. Alto exalté de Tim Berne (« Lonely  Woman Theme from a Symphony »), ténor de Debellefontaine, alto de Jean-Michel Couchet, trombone de Daniel Zimmerman, trompette de Susana Santos Silva ou guitare de Pierre Durand. Voilà donc une version originale de l’œuvre d’Ornette: une version grande formation au fourmillement débridé. Le tout enregistré live au festival Jazzdor Strasbourg-Berlin.

Le second album, « Rituels » a, quant à lui, été enregistré en studio. Les deux CD proposent des créations de 5 compositeurs différents : la flûtiste Sylvaine Hélary (Orca Noise Unit avec Jozef Dumoulin), le pianiste Grégoire Letouvet, la chanteuse Ellinoa (Conservatoire de Paris et Centre des Musique Didier Lockwood), la chanteuse Leïla Martial (trio BAA Box) et Frédéric Maurin. Un répertoire original pour un chœur rassemblant Leïla Martial, Ellinoa, la suédoise Linda Oláh et le baryton Romain Dayez, couplé à un ensemble acoustique de 13 instruments parmi lesquels des cordes (violon, alto, violoncelle, contrebasse). Ici, pas d’instruments électriques (pas de guitare et Bruno Ruder  remplace son Fender par un piano). « Rituels » repose sur un univers inspiré par des textes extraits du recueil « Les Techniciens du Sacré » de Jérôme Rothenberg, à l’exception de « Femme Délit » de Leïla Martial. Des textes volontiers ésotériques, parfois abscons, qui évoquent la mort, la vie et ses aléas. Des textes chantés ou récités, la voix se mêlant aux instrumentistes, à la masse sonore, ici aussi dense et touffue. Si on retrouve quelques piliers de la première équipe, comme les saxophonistes Julien Soro et Fabien Debellefontaine ou la trompettiste Susana Santos Silva, la formation regroupe une série de nouveaux venus. Didier Havet du Big Band Lumière (btb, tuba), Stéphan Caracci du groupe Rétroviseur (vib, marimba, perc) ou Catherine Delaunay, la clarinettiste de Tous Dehors. Une large place est évidemment dédiée aux voix mais chaque composition laisse une place importante aux instrumentistes et aux solistes que sont Catherine Delaunay, Fabien Debellefontaine, Guillaume Roy (alto) ou Stéphan Caracci. Un univers très différent du premier album.

Là où Olivier Benoît proposait un univers basé sur un thème (l’Europe et ses capitales) et sur des compositions personnelles, à l’exception de « Europa Roma », Frédéric Maurin souhaite que son ONJ s’ouvre à différents compositeurs et à des univers très différents.

Claude Loxhay