Aldo Romano : Reborn
Le Triton / L’Autre Distribution
Né à Belluno en 1941, Aldo Romano arrive en France en 1947. Il adopte d’abord la guitare puis se destine à la batterie, notamment sur les conseils de Jacques Thollot, le batteur de René Thomas à l’époque du festival de Comblain. En plus de cinquante ans de carrière, et avec une cinquantaine d’albums à son actif, il a croisé la crème du jazz américain. Notamment Jackie Mc Lean, Don Cherry, Gato Barbieri, Steve Lacy, Chet, Joe Lovano ou Carla Bley. Mais aussi tous les grands noms du jazz français, de Michel Portal à Louis Sclavis, d’Henri Texier à Michel Petrucciani, de Jean-Luc Ponty à Didier Lockwood… comme ceux du jazz italien, d’Enrico Rava à Paolo Fresu, de Franco D’Andrea à Stefano Battaglia, de Stefano Di Battista à Francesco Bearzatti. Mais encore, l’Allemand Joachim Kuhn, le Hollandais Jasper Van’t Hof, notre compatriote Philip Catherine. Aldo Romano a aussi fait confiance à bon nombre de jeunes musiciens comme Nelson Veras, Baptiste Trotignon ou Géraldine Laurent. Un monument de technique mais aussi de sensibilité. Il suffit d’écouter ses compositions et ce qu’il exprime quand il nous parle des compositions de son complice Enrico Rava : « Il a écrit des mélodies solaires comme son Italie natale. » En mai 2019, Le Triton, l’un des clubs les plus actifs de Paris, lui offre une carte blanche. L’occasion de retrouvailles émouvantes et d’évocations de périodes différentes de sa carrière prolifique. Pour garder un témoignage discographique de ces concerts, Le Triton a décidé de sortir cet album « Reborn » qui rassemble quatre formations différentes. En premier lieu, le complice de toujours, Henri Texier, témoin de voyages à travers le monde et particulièrement en Afrique, comme ce classique « Carnet de Routes » de 1995 gravé en trio avec Louis Sclavis. Pour évoquer cette époque, Aldo a fait appel au clarinettiste Mauro Negri et à la saxophoniste Géraldine Laurent (album « Just Jazz » de 2008). Ce premier quartet interprète « Annobón » de « Carnet de Routes » (une splendide mélodie qui demeure dans l’oreille), « Petionville » (de l’album « Corners » avec Negri) et « Spring Tide » avec une longue intro de batterie (de « Just Jazz »). Le deuxième groupe évoque l’époque de Palatino : Glenn Ferris au trombone, Michel Benita à la contrebasse et, à la place de Paolo Fresu, Yoann Loustalot de Lucky Dog. Deux thèmes pour ce quartet : « Sud-Ouest Jump » de Glenn Ferris et « Twenty Small Cigars » de Frank Zappa. Des échanges virevoltants entre trombone et trompette. Troisième formation, un duo avec le claviériste Jasper Van’t Hof qu’Aldo a croisé avec Jean-Luc Ponty mais aussi au sein de Pork Pie avec Charlie Mariano et Philip Catherine. La période jazz-rock pour reprendre « Il Piacere » (titre du premier album de 1979, gravé avec Michel Portal). Enfin, quatrième formation: un quartet réunissant Enrico Rava, complice de toujours depuis l’époque de Gato Barbieri, Baptiste Trotignon (« le plus grand pianiste actuel » dixit Aldo) et l’Américain Daryll Hall à la contrebasse. Le batteur joue d’abord « Dreams and Waters » en trio avec Trotignon, puis le classique « Dear Old Stockholm » cher à Miles, le classique « Darn that Dream » et « Positano » de l’album « Corners », histoire de retrouver la sonorité ouatée de Rava et son lyrisme mélodique aiguisé. Une musique éternellement vivante, des mélodies émouvantes et radieuses. Un coin de soleil d’Italie. Respect pour un musicien qui a traversé, avec élégance, les époques et les styles, toujours avec la même sensibilité.
Claude Loxhay