Shemekia Copeland : Uncivil War

Shemekia Copeland : Uncivil War

Alligator Records – Catalogue : AL 5001

Digne héritière du bluesman texan Johnny Copeland, on ne présente plus Shemekia Copeland qui commença sa carrière de chanteuse avec « Turn The Heat Up », un premier album pour Alligator Records en 1998… Elle avait 18 ans ! Vingt-deux ans plus tard, elle jouit d’une notoriété planétaire, amplement justifiée de par son talent, ses qualités vocales et son engagement sur les problèmes de société en Amérique (la division sociale, le racisme, la prolifération des armes, les incivilités, l’injustice, …). Elle nous revient avec un huitième album produit par le guitariste Will Kimbrough et enregistré à Nashville avec des invités top niveau. Le titre éponyme de cet album, « Uncivil War », stigmatise la profonde division de la société américaine contemporaine, en opposition avec sa raison d’être : United States of America ! United vraiment ? Elle appelle de tous ses vœux à un changement radical. En guest, il y a Jerry Douglas au dobro, Sam Bush à la mandoline, Steve Conn au Hammond B3, etc… Et en plus on donne le blues à Dieu qui ne comprend pas ce qui sépare républicains et démocrates, ni les croyants des diverses religions, comme elle le dit avec humour dans « Give God The Blues »… En fait, elle continue à élargir son inspiration du Blues vers le R&B à l’ancienne, le Rock ‘n roll, les ballades soul, le Gospel, les roots, l’Americana, etc… Elle s’approprie tout cela et en fait une part importante de son répertoire. Dans « Clotilda’s On Fire », elle commente l’histoire du tout dernier vaisseau amenant des esclaves africains en Amérique. Il est arrivé dans la baie de Mobile, Alabama, en 1859 et son capitaine l’a brûlé et coulé pour effacer les preuves. L’épave a été retrouvée en 2019 ! Ce morceau est transcendé par des parties de guitare flamboyantes de Jason Isbell. Shemekia rend aussi hommage à son copain disparu Dr. John avec un « Second Line Dirty Saint ». Elle s’attaque aux gens aveuglés par leur soif inextinguible d’argent dans le tonitruant « Money Makes You Ugly » (avec Christone “Kingfish” Ingram, lead guitar). Elle fait un clin d’œil aux Staples Singers avec un « Walk Until I Ride », en deux parties, d’abord slow puis rapide. C’est un gospel inspiré par la lutte pour les Droits Civiques avec une petite chorale et Jerry Douglas (lap steel guitare). Elle s’indigne sur la prolifération des armes dans son pays avec un martial « Apple Pie And A .45 » et rompt une lance en faveur de la communauté LGPT dans un bien rythmé « She Don’t Wear Pink » (avec Duane Eddy et Webb Wilder, guitares). Peu d’artistes s’engagent sur autant de sujets brûlants de nos jours, mais Shemekia Copeland garde aussi un peu d’espace pour des thèmes moins polémiques comme les chansons d’amour : « No Heart At All » ou « Love Song » empruntée à son père et traitée avec délicatesse (avec W. Kimbrough, guitare) ou encore « In The Dark » en slow (avec un Steve Cropper transcendant à la guitare), sans oublier le « Under My Thumb » repris aux Rolling Stones. Un album qui fera date et un candidat sérieux aux prochains Blues Awards !

Robert Sacre