Jean-Marie Machado : Majakka
Le public belge a pu découvrir le pianiste Jean-Marie Machado lors d’un « Jazz à Liège », à la tête d’un sextet international. A la trompette, l’Allemand Claus Stotter, au trombone, l’Américain Gary Valente, au saxophone, le Britannique Andy Sheppard, à la contrebasse, notre compatriote Bart De Nolf, et à la batterie, le Nordiste Jacques Mahieux. C’était l’époque de l’album « Andaloucia », avec un répertoire aux mélodies lumineuses. Après avoir formé un trio avec les frères Moutin (album « Séquence Thmiryque »), il a enregistré en solo (« Blanches et noires »), rencontré Dave Liebman (« Caminando », « Media Luz »), Laurent Dehors et David Chevallier (« Chants de la mémoire »). Il fonde ensuite le groupe Danzas aux influences méditerranéennes, déjà avec le saxophoniste Jean-Charles Richard (« Fiesta nocturna », « Pictures for orchestra »). Voici son nouveau projet « Majakka », « le phare » en finnois. Il présente ainsi un nouveau quartet. Aux saxophones baryton et soprano ainsi qu’à la flûte, Jean-Charles Richard. Professeur au Conservatoire de Paris, il a côtoyé Christophe Marguet (dm) comme Antoine Hervé (p), il a enregistré « Faces et Traces » à son nom et peut aussi se présenter en solo, comme il l’a fait à la galerie Arthome d’Oupeye. « C’est un interprète d’une grande intelligence, c’est le mélodiste du quartet, celui qui porte la plupart des chants » (Machado). Au violoncelle, Vincent Segal qui a accompagné de nombreux chanteurs comme M ou le groupe Tryo et a formé le duo Bumcello avec le batteur Cyril Atef. Aux percussions, particulièrement au zarb, ce tambour d’origine persane, Keyvan Chemirani. Très érudit dans le domaine des musiques traditionnelles, il a aussi enregistré avec le saxophoniste Jean-Marie Padovani (« Chant du monde ») et le tromboniste Albert Mangelsdorff (« Percussion Orchestra » de Reto Weber, qu’on a entendu au festival des Pyramides à Welkenraedt). Le percussionniste occupe une place centrale dans le quartet (notamment sur « Gallop impulse »). Après avoir collaboré avec Nana Vasconcelos, Machado s’est particulièrement intéressé aux percussions digitales : « Le fait de jouer avec le bout des doigts rapproche percussions et piano ».
Le répertoire mêle compositions anciennes revisitées et nouveaux thèmes : « J’ai eu envie, pour la première fois, de regarder en arrière et de réécouter certains de mes anciens disques. J’ai vu se dessiner une couleur qui était en train de devenir la mienne, une lumière qui s’imposait d’elle-même. » « Bolinha », qui ouvre l’album, comme « Um vento leve » et « Emoção » proviennent de l’album « La Main des saisons » inspiré par les poèmes du Portugais Fernando Pessoa. « Les yeux de Tangati » a été initialement écrit pour un duo avec Dave Liebman et « Gallop Impulse » est extrait de l’album « Impulse Songs » gravé déjà avec le zarb de Chemirani. D’autres thèmes, écrits sur le vif, sont des originaux composés spécialement pour ce quartet : « Les pierres noires », « La mer des pluies » et « Outra Terra ». D’un bout à l’autre, des mélodies lumineuses, au lyrisme solaire, sur des rythmes chatoyants. Jean-Charles Richard passe d’un baryton impétueux (« Bolinha », « Emoção de alegria ») à un soprano voltigeur qui illumine les mélodies (« Les pierres noires », « Um ventleve », « Gallop impulse », « Outra terra », « Slow Bird ») parfois à la flûte (« Les yeux de Tangati ») avant de revenir au soprano. Le violoncelle de Vincent Segal est particulièrement mis en avant sur « La lune dans la lumière » et « Emoção de alegria ». Omniprésent, le piano lyrique de Machado ouvre de belle manière « La mer des pluies » et s’offre un généreux solo sur « Gallop impulse ». Un album qui s’inscrit parfaitement dans une œuvre d’une grande cohérence, celle d’un « compositeur de l’écrit, qui utilise l’improvisation comme élément perturbateur », mais toujours avec un art consommé de la mélodie chatoyante.
Claude Loxhay