Udo Schindler & Jaap Blonk : Lakefront Discussions

Udo Schindler & Jaap Blonk : Lakefront Discussions

FMR Records – Références catalogue : FMRCD592-0920

Le souffleur Udo Schindler, entendu récemment à la clarinette basse et contrebasse avec Ove Volquartz et Sebi Tramontana, a amené ses sax ténor et soprano, son cornet et un euphonium pour cette session peu commune avec l’impressionnant vocaliste et poète sonore Jaap Blonk et son électronique. Si le langage instrumental de Schindler se réfère ici à la lingua franca de la free-music au saxophone et l’utilisation d’harmoniques, le répertoire sonore (et poétique) de Jaap Blonk est unique en son genre. Il incarne la poésie sonore, une démarche artistique qui se situe aux confins et englobe à la fois la poésie, la « vocalité », le chant et l’improvisation avec une réelle imagination et un sens profond de la recherche sonore. Il challenge la créativité de son acolyte avec des sonorités électroniques subtiles, bruits blancs exacerbés et vibrations électriques bruissantes, volatiles et extrêmes, concurremment à la voix. Face à ce phénomène scénique, Udo Schindler explore les timbres, sature la colonne d’air avec des harmoniques et varie les effets, changeant régulièrement la perspective face aux borborygmes, bruits de bouche, glossolalies, inventions « vocalo-langagières » de Jaap Blonk. Celui-ci décline un arsenal impressionnant d’effets vocaux, de sabirs imaginaires, de growls chargés d’harmoniques, de logorrhées incompréhensibles étonnamment articulées avec une puissante projection de la voix. Certaines de ces interventions sont écrites comme on peut le constater en lisant le poème sonore figurant en texte imprimé dans les notes de pochette. En effet ses « chants » semblent être étudiés dans le moindre détail. On entend, entre autres, des bruitages percussifs réalisés en inspirant l’air amplifié par la gorge et la cavité buccale. Il s’agit des battements du clapet du larynx contrôlés comme s’il s’agissait d’un instrument étrangement accordé. Aussi, les vocalises de Blonk répondent, alternent ou se superposent à ses propres sonorités électroniques. On a parfois l’impression que l’électronique est le prolongement de la voix. Pour le duo, il s’agit bien de tentatives réussies de discussions, d’essais d’intercompréhension, de parties de plaisir phonologique…. J’apprécie très bien les stratégies utilisées par Udo Schindler avec ses saxophones ténor et soprano et ses autres instruments pour coïncider et rendre sa démarche opérante face à un tel artiste sonore/vocal. Par exemple son jeu au sax soprano dans « Lopekkea ». C’est un album à la fois attachant, intéressant, qui offre un patchwork improbable de cette « vocalité » alternative, subversive et finalement aussi amusante que dramatique, propre à Jaap Blonk. Une mention très bien à Udo Schindler pour sa collaboration en phase et à propos dans ce contexte très particulier que j’adore.

Jean-Michel Van Schouwburg