Julian Lage Trio : Squint
Dire que le guitariste nous a séduit avec son album « Love Hurts » (Mack Avenue) et que ce nouveau trio (Dave King à la batterie et Jorge Roeder à la contrebasse) s’est installé parmi les révélations de ces dernières années est une chose. Encore fallait-il confirmer : c’est chose faite et de quelle manière avec « Squint », premier album du trio pour le label Blue Note. Si seulement deux titres étaient de la plume du guitariste sur « Love Hurts », une reprise sur les onze titres de l’album illumine le répertoire. Et le choix n’est pas sans pertinence : « Emily » de Johnny Mandel et John Mercer était un des thèmes préférés du pianiste Bill Evans. Lorsqu’on écoute Julian Lage, on peut sentir à la fluidité et au romantisme de son jeu combien il est proche d’Evans. Une deuxième reprise clôt l’album dans l’esprit de la musique country, « Call of the Canyon » de Billy Hill. Cette facilité d’un jeu qui semble couler de source, on la ressent dès « Etude », une pièce où le vertige technique se fond dans l’aisance du flux du guitariste. « Boo’s Blues » trempe dans les racines profondes de la musique américaine sur un tempo medium où la fluidité ressort à tout moment. Lage se montre autant d’un lyrisme poignant sur une composition comme « Day & Age » que dans le thème evansien. « Squint » qui donne son titre à l’album est un parfait condensé de ce qu’on attend sur le label Blue Note : tradition, invention, spontanéité et interaction d’un trio tel qu’on l’a entendu à l’époque d’un Barney Kessel. « Quiet Like a Fuse » débute par une merveille d’intro en solo avant que le thème quasi familier dès la première écoute soit soutenu par une rythmique d’une délicate discrétion.
Entre jazz, country, blues et rock, le trio développe un son original qui encore plus que sur « Love Hurts » élargit les territoires d’inspiration de Julian Lage. On pense parfois à Wes Montgomery, surtout à Bill Frisell (dans l’approche de la tradition musicale américaine et dans les sonorités sur « Day & Age »), à l’influence du blues, de Muddy Waters ou de BB King dont Julian Lage nous parlait dans une interview au « Leuven Jazz » pour la sortie de « Love Hurts ».