Elizabeth King : Living in the Last Days
À 78 ans, Elizabeth King est une sorte de survivante. Non seulement pour avoir atteint cet âge en gardant intacts son enthousiasme, toute son énergie, sa ferveur et sa créativité, mais aussi parce qu’elle a survécu, tôt dans sa vie d’adulte, à un terrible accident de la route qui faillit lui coûter la vie. Aujourd’hui encore, elle en garde des séquelles. Elizabeth King est née à Grenada, dans le Mississippi, mais elle a grandi à Charleston. En 1960, elle s’est mariée, le couple est allé s’installer à Memphis. Elle a rejoint un groupe local, les Gospel Souls en 1969 et est restée avec eux durant trente-trois ans, tout en conservant son emploi de fleuriste. C’est l’une des très rares femmes à avoir été, à cette époque, le leader d’un groupe entièrement masculin. Au début des années 70, King et les Gospel Soul ont enregistré un single pour Designer (1), un autre pour Messenger (2) et deux pour D-Vine (2). Puis elle se consacra à sa famille et à ses… quinze enfants ! Elle continua à chanter avec son groupe et dans son église ainsi que sur la station WMQM-AM de Memphis chaque samedi matin vers 10h. En 2019, le label Bible & Tire Recording Co. a réédité des faces des années 70 (2).
La même compagnie vient de lui donner l’occasion d’enregistrer un album complet sous son nom. On peut dire qu’elle casse la baraque (3) avec le soutien d’excellents musiciens de Memphis : les guitaristes Will Sexton et Matt Ross-Spang, le batteur George Sluppick, le bassiste Mark Edgar Stuart et l’organiste Al Gamble. Tous font – ou ont fait – partie de groupes prestigieux. Sur le plan vocal, King peut compter sur le concours d’amis de la famille comme Christopher et Courtney Barnes des Sensational Barnes Brothers et d’autres, non cités. « No Ways Tired » commence en douceur pour entrer rapidement en éruption afin de marquer une victoire sur l’adversité, les coups durs et les vicissitudes de la vie mais… « même pas fatigués ! », chacun y mettant du sien en rajoutant une couche. Un entraînant et bien scandé « Living in the Last Days » pourrait suggérer la fin d’une époque, voire la fin du monde, mais au fur et à mesure que le morceau se développe on comprend qu’en fait c’est un constat selon lequel les problèmes de 2021 ressemblent à ceux du passé, et préfigurent certainement ceux de l’avenir, et qu’il y aura toujours la musique pour nous réconforter et nous donner la force de continuer. Pour le reste, on a des gospel songs de facture classique comme un « Walk With Me » plein de retenue, un « Testify » exubérant et musclé, à l’instar de « He Touched Me » ou « Mighty Good God » qui respirent la joie de vivre et de chanter. Et c’est encore le cas d’autres faces comme « A Long Journey », « Reach Out and Touch » tous syncopés et cravachés par le batteur. À noter un très émotionnel « Blessed Be the Name » a capella. Longue vie encore à Elizabeth King, on en redemande.
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(1) Une face Designer (« Testify for Jesus ») a été rééditée sur une anthologie « The Soul of Designer Records » (4 CD) ‐ Big Legal Mess Records (2014) BLM0289 www.biglegalmessrecords.com.
(2) « Elizabeth King & The Gospel Souls ‐ The D-Vine Spirituals Recordings » ‐ Bible & Tire Recordings Co. BTRC004 (2019) www.biglegalmessrecords.com/collections/bible-tire reprend les 2 faces Messenger, les 4 faces D-Vine et des inédits.
(3) Selon l’expression « wrecking the house down…».