Les leçons de piano… jazz.
Deux leçons de piano jazz.
A moins de 24 heures d’intervalle, deux pianistes, deux styles : Benny Green au club Jazz L’F de Dinant, Brad Mehldau dans la salle Henry Leboeuf du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. Deux pianistes et deux formules : le trio (Dave Wong à la contrebasse et Rodney Green à la batterie) pour Benny Green, le solo pour Brad Mehldau ( pour lequel le bruit court que le trio avec Grenadier – Ballard pourrait se dissoudre ( ?), Ballard étant installé à Paris où il joue entre autres avec Eric Legnini). Deux styles aussi quant à la communication avec le public : pas de photos et s’abstenir de … tousser pour l’un, photos pendant les deux premiers morceaux de chaque set pour l’autre; pas un mot pendant les 90 minutes de concerts (trois rappels inclus) d’un côté, des originaux et compositions commentés et des remerciements appuyés envers cette « wonderful audience », un petit mot pour cette fameuse bière de Leffe que le pianiste avait déjà testée la veille au « Duc des Lombards » à Paris. Deux écoles du piano jazz enfin qui, à écouter les commentaires sur les deux soirées dans le public dinantais, divisent les auditeurs… Un jazz résolument post bop pour le trio de Benny Green où comme le disait quelqu’un dans l’assemblée « It Don’t Mean A Thing if You Ain’t Got That Swing » : Charlie Parker, Coleman Hawkins, Cedar Walton… sont au répertoire dans des versions au groove intense, à la virtuosité affirmée et impressionnante, une performance de haut vol appréciée par le très nombreux public.
A Bruxelles, Mehldau, seul devant son Steinway entièrement acoustique, allait nous offrir un récital dont il a le secret : alternant de façon sans doute préparée standards du jazz, morceaux issus de la culture rock et compositions originales, Brad Mehldau éblouit l’auditeur par sa technique équilibrée entre les deux mains, la droite croisant la gauche et vice versa, par ses ostinatos quasi mystiques dont il abuse parfois donnant l’impression (mais sans doute n’est-ce qu’une impression) qu’une conclusion a du mal à se mettre en place, par la grâce de son toucher, la richesse harmonique et le traitement de la mélodie qui fait de son concert un vrai quiz musical : « In A Sentimental Mood », « Portrait In Black and White », « My Heart Stood Still », « Bewithched, Bothered, Bewildered » du côté des standards, « Don’t Think Twice, It’s All Right » de Dylan et « And I Love Her » des Beatles côté rock, sont traités avec une finesse et une invention incroyable, défiant parfois les lois de l’équilibre musical, « mais comment allait-il donc retomber sur ses pattes ? » Quant au swing assumé de la veille, on ne le trouvait ici que sous-entendu au détour d’une phrase sous-jacente; aussi une virtuosité qu’une facilité de développement du jeu fait oublier, une profondeur dans les tempos quasi toujours lents, voire alanguis.
Jean-Pierre Goffin