Romain Pilon : Falling Grace

Publié par Eric Therer le 29 mars 2022

Jazz & People

Parfois, une carrière débute par l’exercice laborieux des reprises, sorte de passage obligé avant de s’émanciper. Parfois les reprises se font sur le tard, comme s’il s’agissait de rendre hommage avant qu’il ne soit trop tard. Pour sa part, Romain Pilon a choisi de s’y plier alors qu’il est au mitan de sa carrière. Ce disque est à la fois un hommage à des figures tutélaires (elles vont du be-bop à ECM) et une collection de reprises de standards. Pour le guitariste français, la reprise ne s’entend pas comme une épreuve de révérence polie ou d’imitation servile, elle s’avère être une véritable démarche de revisitation, de révision de compositions. Mû par ce souci constant de trouver un équilibre entre le respect de l’originel et l’impérieuse envie d’y apporter une touche intimement personnelle, Pilon excelle dans cet art périlleux. Il ressuscite une dizaine de pièces dont certaines avaient disparu des radars. Le disque s’ouvre sur la plage éponyme que l’on doit à Steve Swallow et donne d’emblée le ton. Les sonorités que Pilon tire de sa guitare sont tout en nuances, à la fois chatoyantes et alertes. Elles s’appuient sur la rythmique intelligente que forment le batteur Jeff Ballard (The Brad Mehldau Trio) et le contrebassiste Yoni Zelnik. L’album enchaîne avec le délicat entrelacs du « Textures » d’Herbie Hancock. Suivent « Side Car » de Miles, « Lament » de J.J. Johnson, « Bye Ya » de Monk et d’autres perles rares encore, pour se terminer sur « Horace-Scope » d’Horace Silver et enfin l’accort « Nicolette » de Kenny Wheeler. En son milieu, le disque est ponctué d’un interlude signé Pilon, histoire de nous rappeler qu’il est aussi, et avant tout, compositeur lui-même. Un disque de grâce, assurément.

Romain Pilon Standards Trio en concert à la Jazz Station ce jeudi 31 mars.