EDQ (Elton Dean Quartet) : They all Be on this Old Road
Heureuse initiative que la sortie en CD (et en double vinyle) de cet album de l’EDQ (pour Elton Dean Quartet) enregistré live au club londonien Seven Dials en 1976, sorti en vinyle en 1977, jamais réédité et devenu pratiquement introuvable, ou alors d’occasion, à des prix astronomiques sur les sites de ventes en ligne. Heureuse initiative, ce d’autant plus que l’album original ne faisait que 40 minutes contre les quelque 80 de cette réédition.
Pour rappel, Elton Dean était un saxophoniste anglais (alto et saxello, instrument proche du soprano) surtout connu pour son activité chez Soft Machine de 1969 à 1972 (et les excellents albums studios « 3 », « 4 » et « 5 » + de très nombreux enregistrements live) et les groupes en dérivant (Soft Head, Soft Heap, Soft Mountains, Soft Works ou encore Soft Machine Legacy jusqu’à son décès en 2006). Il a également participé à de nombreux albums de groupes de la scène dite de Canterbury (Centipede, In Cahoots, Pip Pyle’s Equip’Out,…) et sorti une vingtaine d’albums en solo (de 1971 à 2002), surtout orientés free.
Revenons à cet album et tout d’abord aux membres du groupe : en commençant par le vieil ami de toujours, le claviériste Keith Tippett (qui, fin des années 60, était à la tête d’un sextet avec un jeune saxophoniste que l’on découvrait à l’époque, un certain Elton Dean…). Il fonda le big band rock Centipede avec son épouse (la chanteuse Julie Driscoll), fut invité sur plusieurs albums de King Crimson (le piano free sur « Cat Food », c’est lui) et participa, comme leader (une cinquantaine d’albums à son nom…) ou sideman, à une multitude de projets jusqu’en 2020, année de son décès. Le batteur sud-africain noir Louis Moholo-Moholo (toujours actif à 82 ans), présent sur de nombreux albums d’Elton Dean, faisait partie de cette communauté qui avait quitté son pays ségrégationniste pour s’installer à Londres. Il fit partie des groupes Blue Notes et Brotherhood of Breath, menés par le claviériste Chris McGregor, presque exclusivement composés de musiciens de la communauté sud-africaine. Le contrebassiste Chris Laurence a beaucoup joué avec John Surman, Kenny Wheeler, Gil Evans ou John Taylor. Il a également accompagné des artistes tels Michael Nyman, Peter Gabriel, Joni Mitchell, David Gilmour ou Elton John.
Les titres proposés sont souvent un prétexte à tout un travail d’improvisation : les compositions originales (trois de Dean, une de Tippett et une commune aux deux) ont des lignes mélodiques relativement simples, ce qui permet de nombreuses circonvolutions, des dialogues entre les musiciens, une interaction constante avec de denses chorus. Il y a deux reprises (des ballades) de Jimmy Van Heusen : dans « Here’s that Rainy Day », Chris Laurence introduit le thème de façon très free tandis qu’une version très courte (2 minutes) de « Nancy (with the Laughing Face) » est le seul morceau qui respecte simplement la mélodie sans le moindre développement. Le moment fort de ce disque est une version de 20 minutes du « Naima » de John Coltrane, dont l’influence sur Elton Dean est évidente tout au long de cet enregistrement. Elton Dean y prend un long solo, suivi par chacun des autres musiciens. Il y a une volonté certaine d’exploration de ce morceau, de le développer tout en le respectant.
Vous aurez compris que j’ai pris beaucoup de plaisir à l’écoute de cette œuvre. Espérons que d’autres disques d’Elton Dean (la plupart sont introuvables) pourront bénéficier d’une nouvelle vie et faire en sorte de redécouvrir ce musicien qui fut souvent trop sous-estimé.