Simon Goubert : Le matin des ombres
En dehors de l’Hexagone Simon Goubert semble peu connu. C’est à tort. Ses participations multiples, tant sur scène que sur disque, attestent de la vitalité créative de ce batteur hors du commun. Ce disque en solo la conforte. Il se décline en deux parties distinctes. Sous le titre éponyme « Le matin des ombres » divisé en trois sections, la première s’inspire librement du compositeur franco-russe Ivan Wyschnegradsky. Il y a un siècle, celui-ci s’attelait à atteindre un espace sonore où les intervalles de plus en plus serrés tendaient vers une densité illimitée, accordant pour ce faire ses pianos au ¼ de ton. Goubert est allé puiser, en les échantillonnant, quelques fragments dans son œuvre pour ensuite les confronter à ses compostions rythmiques. Le résultat est saisissant. Il évite toute superposition hasardeuse, tout collage spécieux qu’une telle démarche pourrait engendrer. Au contraire, il magnifie un concours d’affinités, un dialogue malgré lui entre une musique contemporaine oubliée et un jazz aventureux.
La seconde partie de l’album aligne des pièces pour batterie solo, de durées nettement plus courtes. Le jeu de Simon Goubert est à la fois alerte et fluide. Si sa notice biographique cite entre autres influences Max Roach, Art Blakey ou Hari Hoenig, on pourrait se risquer à tracer une comparaison avec Paul Motian dont les atmosphères sont parfois cousines. Pour ce disque, il a eu recours à une batterie d’un genre spécial : la batterie « Repercussion », créée par l’ingénieur acousticien et batteur Thomas Antoine, laquelle permet au musicien de littéralement sculpter le son en jouant sur plusieurs paramètres indépendants (ouverture du pavillon central, choix des fûts et de leur accordage…)