
Here It Is : A Tribute to Leonard Cohen
On n’a pas attendu la mort de Leonard Cohen pour deviner à quel point son répertoire regorgeait de chansons importantes. Pour ma part, certaines d’en elles (« Seems So Long, Nancy », « Suzanne », « Famous Blue Raincoat », … toutes présentes ici) demeurent à jamais ancrées dans mon existence. Elles en ont été le phare, le guide, déjà lorsque dans ma jeunesse, ces chansons habitaient le réceptacle de ma voiture quand je rentrais à la maison aux petites heures. La vie de Leonard Cohen s’est achevée brusquement sur un sommet (« You Want It Darker »), lequel succédait à quelques hauts (« Old Ideas », « Popular Problems ») entrecoupés de « Live » bien nécessaires pour assurer les vieux jours (son ancienne manager ayant dilapidé sa fortune). A l’initiative de son vieil ami, le producteur Larry Klein, un hommage lui est rendu sur Blue Note, un label légendaire de jazz. Qu’en aurait-il pensé, lui qui gardait certaines distances avec cette musique ? Ecoutez d’ailleurs la chanson « Jazz Police » (« I’m Your Man », 1988) et traduisez-en le texte pour vous en convaincre. Bref, on ne le saura jamais. Les chansons de Cohen, répétons-le, sont chacune des œuvres fortes, personnelles, y compris lorsqu’elles sont reprises sans paroles (« Bird on the Wire » par Bill Frisell et « Avalanche » par Immanuel Wilkins) car il était aussi un grand mélodiste. Encore faut-il – comme pour tout bon tribute – proposer des versions différentes et alternatives, ni ronronnantes ni choquantes, de ces chansons souvent enfuies dans notre inconscient à force d’avoir été entendues.
Pari réussi… Sans forcément être « jazzifiées », ces versions de « Steer Your Way » (douce Norah Jones), « You Want It Darker » (qui sied si bien à l’Iguane Iggy Pop), « Seems So Long Ago, Nancy » et « Famous Blue Raincoat » (interprétées successivement avec émotion et intensité par David Gray et Nathaniel Rateliff) font remonter en bouche le goût de la Madeleine de Proust, loin des lueurs des feux de camps. Comment ne pas mentionner également la reprise de « Here It Is » (pas la chanson plus connue, elle figurait sur « Ten New Songs » paru en 2001), une interprétation empathique de l’Ange Gabriel qui sort pour l’occasion d’un (très) long silence ?
Oui, ce « tribute » nous était nécessaire. Pour nous qui, inlassablement, écoutons encore régulièrement les originaux, pour nous qui ferons dorénavant, de temps à autre, une infidélité au Maître.