Esbjörn Svensson : HOME.S

Esbjörn Svensson : HOME.S

ACT Music / New Arts International

Les sorties « post mortem » ont vu le jour depuis que l’enregistrement existe : sessions en club, concerts en salle, prises inédites d’enregistrements de studio ou de salon. Souvent des témoignages d’une valeur historique plus qu’artistique. Et voici que se glisse dans nos lecteurs, n’ayons pas peur des mots, ce petit bijou enregistré à Stockholm, dans le home studio de Esbjörn Svensson, au printemps 2008, quelques semaines à peine avant sa tragique disparition. Les producteurs de BAM & Bat AB ont voulu en faire un événement hors norme, jugez plutôt… En premier lieu, la musique est jouée en public au Sven-Harrys konstmuseum de Stockholm, quatre soirées d’affilée, le tout mis en son par l’ingé son d’E.S.T. Ake Liston. La veille de la sortie de l’album, elle est diffusée on line, en attendant la publication d’un livre sur le pianiste avec photos, textes et partitions, sortie prévue en avril 2023. Tout ceci fait un peu marketing soigné et calculé, et on douterait un peu de l’intérêt artistique de la chose… sauf que quand on écoute les neuf pièces, on est envahi par l’émotion de retrouver le son si pur de ce pianiste hors norme. Les fans du trio n’y retrouveront pas les fulgurances de « Dodge the Dodo », la force de « From Gagarin’s Point of View », mais bien le lyrisme à fleur de doigts, l’invention et une énergie créatrice d’une grande élégance qu’on soupçonnait, sans doute, mais dissimulée dans l’ambiance plus pop « easy » jazz du trio. Le contexte de l’enregistrement double bien sûr l’émotion que son écoute procure, mais on reste tout de même soufflé à l’écoute de ces neuf compositions portant comme titres neuf lettres de l’alphabet grec, tout simplement. Esbjörn Svensson, en une demi-heure, nous transporte, nous fait chavirer, nous balance comme des références absolues l’esprit de Bill Evans et de Keith Jarrett. Un bijou, disais-je, carrément un trésor pour les fans du pianiste dont, vous le devinez, je fais partie.

Jean-Pierre Goffin