Albert Vila : Levity
Mettant en pratique ses différentes formations au Conservatoire d’Amsterdam, à la « Manhattan School of Music » de New York et au Conservatoire Royal de Bruxelles, le guitariste Albert Vila, basé à Barcelone, a enregistré au fil des ans plusieurs albums en quintet, en quartet, et en trio. Mais en 2021, il s’est lancé dans un projet ambitieux consistant à enregistrer un disque en solo qu’il a appelé « Levity », un terme scientifique jadis associé à une force physique mythique qui, au contraire de la gravité, tirerait vers le haut et qui n’est plus aujourd’hui employé que comme un synonyme de légèreté.
Les huit morceaux composent un répertoire très éclectique puisque le guitariste y reprend des thèmes, tous bien connus, de Lennon/McCartney, Bob Marley, Antonio Carlos Jobim, Georges Shearing (« Lullaby of Birdland »), Nick Drake, plus le standard « Everything Happens to Me ». Le premier titre, « Eleanor Rigby », donne une bonne idée des qualités qui caractérisent ce disque : le respect de la mélodie, une improvisation fluide et inspirée sur les harmonies de la composition originale, un jeu en « fingerpicking » (sans plectre) délié et, enfin, une superbe sonorité ronde, boisée et chaleureuse, sans effet particulier sinon un léger sustain naturel (Albert a enregistré ce disque avec une guitare Westville « semi-hollow » conçue par Masaki Nishimura de Tokyo, un instrument également adopté par Kurt Rosenwinkel). Tout cela est mis à profit dans les différents styles de musique abordés ici. Que ce soit la bossa nova « A Felicidade », la splendide chanson folk « Redemption Song » ou l’intemporel « River Man » de Nick Drake que Brad Mehldau mit autrefois au répertoire de son trio. « Hijo De La Luna », une chanson pop du groupe espagnol Mecano, est d’une beauté à couper le souffle, avec ses notes graves et son harmonisation raffinée d’une extrême sensibilité. Quant à « Levity », unique composition originale écrite par le leader, c’est un court morceau qui mériterait d’être mis au répertoire des guitaristes classiques toujours à la recherche de nouvelles pièces à arranger / interpréter.
De la technique à la simplicité, et de la beauté des voicings à celle des sonorités, tout contribue à la réussite de cette musique exemplaire jouée en solitaire. Depuis la Renaissance, la guitare et l’Espagne ont tissé une relation amoureuse aussi prolifique que fructueuse. Moderne, pur, évocateur et situé en dehors du flamenco, « Levity » en est le dernier avatar splendide.
En collaboration
avec le magazine DragonJazz
Albert Vila en concert au Club Un Peu (Bruxelles), le vendredi 27 janvier, le lendemain à L’An Vert (Liège) en compagnie de Julien Tassin et en trio au Music Village (Bruxelles) le 7 février.