Jean-Marie Machado & Danzas : Cantos brujos
Cela fait une quinzaine d’années que le pianiste Jean-Marie Machado a fondé « Danzas », plongeant dans les racines de musiques latines colorées et imagées. Après « Fiesta Nocturna » en 2010, « La Fête à Boby » avec André Minvielle en 2012, « Lagrima Latina » en 2015 et « Pictures of Orchestra » en 2019, voici « Cantos Brujos » pour lequel le pianiste s’inspire de « L’Amour Sorcier », « El amor brujo » de Manuel de Falla. L’œuvre s’est d’abord présentée comme un ballet pour orchestre de chambre avant de connaître une version symphonique qui sera par la suite dansée. Un quatuor à cordes, un sextet et une voix, celle de la chanteuse Karine Sérafin, se sont magnifiquement imprégnés des volutes espagnoles de de Falla. Neuf pièces-intermèdes de Machado tournent autour des dix parties du compositeur espagnol, réarrangées de main de maître, formant ainsi une suite de tableaux. Associées au nom de l’ensemble, on relève trois danses de de Falla : « Danza del Terror » introduit par François Thullier dans l’archi-grave du tuba traduisant la terreur exprimée, suivi d’une danse virevoltante chantée par Karine Sérafin. Aussi « Danza ritual del fuego » aux accents orientaux – sublime accordéon – qui rappellent le Boléro de Ravel. Enfin « Danza y cancion del juego de amor » au rythme virevoltant.
La musique traditionnelle espagnole domine l’œuvre et on relève au passage quelques touches d’inspiration contemporaine, aussi peut-être de Stravinski, et un sens pointu de l’arrangement qui fait penser par moments au « Sketches of Spain » de Miles Davis arrangé par Gil Evans. La création forme un ensemble parfaitement équilibré où les solistes sont mis en évidence : étourdissant Stéphane Guillaume à la flûte sur « Como ilamas », sensible Didier Ithursarry dans l’introduction de « El relato del circulo » ou sur le chant tranquille de « Pantomima », dont la partie « Molto Tranquillo » est jouée avec délicatesse par le piano et le soprano de Jean-Charles Richard, enchaînant avec « Danza y cancion del juego de amor » sur un rythme virevoltant. Ou encore le jeu de percussion subtil de Ze Luis Nascimento. Aux premières lueurs de l’aube, les cloches résonnent sur la voix et le violoncelle, conclusion tout en charme, paisible.
Il y a du rêve, de la poésie, de l’imagination, de l’émotion, du rythme dans cette vision d’une histoire d’amour écrite par de Falla. Jean-Michel Machado y mêle avec finesse le côté dramatique et sentimental de l’œuvre, accordant à ses magnifiques solistes une place privilégiée. Envoûtant de bout en bout.