GoGo Penguin @ Muziekgebouw (Eindhoven, NL, 18/12/22)
Des pingouins sur la banquise
L’air est froid. Il fait presque moins dix. Il souffle un vent glacial, piquant et hostile. Les trottoirs du Limbourg hollandais ressemblent à s’y méprendre à la banquise des manchots que nous nous apprêtons à aller voir. Eindhoven a revêtu ses habits d’hiver pour accueillir le trio anglais de Manchester. Le sol rendu glissant par le verglas donnait même, à ceux qui se pressaient vers la salle, des airs de pingouins engoncés dans leur costume trop serré et trop grand à la fois.
La mise en jambe ressemblait donc plus à une mise en abîme. Avant même d’être assis, on s’y sentait déjà, à ce concert qui se plaçait sous les meilleures auspices.
La banquise se réchauffe
Le Muziekgebouw se cache dans les méandres d’un centre commercial. Mais ne vous y trompez pas ! La musique qui résonne en ses murs n’a rien de superficiel ni de commercial. La chaleur de ce lieu d’une rare beauté lui confère un caractère incroyablement confortable et apaisant. L’acoustique y est remarquable et la programmation, aussi pointue que variée, prouve encore que nos voisins bataves ont, certes, les pieds sur terre, mais la tête au nord, tournée vers la culture anglo-saxonne et nordique, propice aux envolées mélodiques d’une musique faite pour les grands espaces.
C’est ainsi que le trio a posé ses flycases sur la scène de la maison limbourgeoise de la musique. À la froideur des conditions extérieures, succédait la chaleur d’un intérieur. À la dureté du sol froid, si proche, et si lointain à la fois, succédait la douceur d’un jazz élancé, mais toujours bienveillant. Le groupe offre une vision libre et vive de la musique, teintée d’influences variées allant de BadBadNotGood à CAN, en passant par Lorn. Un exercice périlleux s’il en est qui est réalisé à la perfection, mais sans jamais s’éloigner de leur style si caractéristique. Chris Illingworth et Nick Blacka étaient égaux à eux-mêmes, impressionnants tant dans la délicatesse que dans la puissance de leur jeu. Nous découvrions Jon Scott à la batterie, qui saisissait là une occasion parfaite de montrer que l’union avec ses comparses fonctionnait à merveille et que le groupe n’avait rien perdu de son énergie depuis son arrivée.
La setlist, soigneusement préparée reprenait des morceaux bien connus tels que « Atomised », « Bardo », « Signal in the Noise », mais faisait également la part belle à toute une série de nouveaux morceaux. De quoi présager de la sortie très prochaine non-seulement d’un album, mais d’un excellent album, qui plus est.
À l’extérieur, les conditions météorologiques n’avaient pas changé, si bien qu’à notre sortie, l’air piquant ne pouvait que nous rappeler, par opposition, la beauté du moment que nous venions de vivre, et, par analogie, qu’il faisait un froid de pingouin, et que le froid, c’est vivifiant. Il n’y a qu’un pas à faire, tout petit, un tout petit pas de manchot, un tout petit bond maladroit, pour affirmer, avec certitude, que ces pingouins-là sont encore plus vivifiants que la rudesse d’une nuit d’hiver.
En partenariat avec
The Deadbeat Club