Andy Emler MegaOctet : No Rush

Andy Emler MegaOctet : No Rush

La Buissonne

Les disques du MegaOctet, on les attend comme des cadeaux de Saint-Nicolas : l’attente exaltante, l’écoute enthousiaste et le plaisir suprême de vivre un moment fort. Bon, vous l’aurez compris, je suis un inconditionnel de ce MegaOctet en forme de nonet + invité ici (en l’occurrence un des membres du début, le formidable guitariste Nguyên Lê). Le dossier de presse nous apprend que Andy Emler a vécu le confinement comme un grand moment d’écoute des musiques du XXe siècle, suivi d’une phase d’écriture qui a donné naissance à cette suite de huit pièces. « No Rush », c’est le temps passé à écrire loin de l’urgence habituelle, un confinement saisi comme une opportunité. Tout ce qui fait l’écoute jubilatoire du MegaOctet se retrouve ici, magnifiquement concentré dans des pièces de longueurs variables (entre 2 min 15 et 12 min 32) mais à l’intensité égale, que ce soit par leur luxuriance ou leur profondeur. Ce qui frappe tout au long de l’album, c’est la volonté de partage entre les neuf musiciens, une volonté du metteur en son Andy Emler qui ne se réserve que quelques petits moments, sans le moindre solo. On est saisi par la variété des timbres, l’originalité des assemblages. Ainsi, cette intro en duo contrebasse-tuba sur « No Rush », soutenue par les percussions et portée au septième ciel par la trompette de Laurent Blondiau. L’emporté « Think or Sink » débute par les accords soutenus du piano, un rythme obsédant qui nous embarque comme dans un bouillonnant tourbillon sonore, avant l’apaisement du marimba. Sur les deux dernières pièces, l’électricité orientale de Nguyên Lê fait merveille sur « Just a Beginning » et nous émeut dans l’introduction piano-guitare de « Good Timing ». S’ il fallait encore le démontrer, Andy Emler nous épate par ce sens si original de l’orchestration, du spectacle musical où on suit les solistes comme dans une histoire. Le genre de disque qui peut tourner des années sans prendre une ride.

Jean-Pierre Goffin