Moers Festival (26 au 29/05/23)
Ce qui séduit d’emblée le journaliste quand il arrive sur le site, c’est le professionnalisme et la qualité de l’accueil qui lui est réservé. Tout est ordonné, ordonnancé de main de maître par les organisateurs tandis que la disponibilité du staff de terrain n’est pas en reste. Ensuite, c’est le site lui-même. Décliné dans un parc aux bords de cette petite ville rhénane, il s’articule sur deux scènes principales : l’une à l’extérieur dans un théâtre de verdure naturel, l’autre en intérieur dans un hall spacieux. D’autres lieux les complètent : une cour d’école où se tiennent les fameuses Moers Sessions, l’église évangélique de la Ville mais aussi une maison de repos et parfois la rue tout simplement qu’emprunte un petit camion électrique transportant des musiciens qui se relayent.
Que de chemin parcouru depuis la première édition à l’entame des années septante où une poignée de passionnés jetèrent les bases de ce qui allait devenir un des festivals jazz les plus aventureux d’Allemagne mais aussi d’Europe. Pour sa 52ème édition, la thématique se résumait en quelques mots : révolution, libération, Afrique, valeurs (celles en l’occurrence pérennes de l’art et de la culture). Mais aussi « Kylwiria », ce pays imaginaire imaginé par György Ligeti dont on célèbre cette année le centenaire de sa naissance. Présent au sein de 3 formations pour attester de la vivacité toujours actuelle de ce pilier de la musique contemporaine, son fils Lukas en perpétue l’âme et l’héritage avec brio.
Le samedi, c’est le combo Zaäar qui ouvre le bal, sous un soleil vertical généreux. La suite de l’affiche semble sans fin. Dans la multitude des concerts proposés, on retiendra l’ensemble de choristes norvégiennes Trondheim Voices pour une performance épurée et stylisée ; la formation danoise Selvhenter pour sa palette de couleurs atypiques ; ou encore l’Ensemble Icosikaihenagone, véritable orchestre/non orchestre de chambre/anti-chambre. Plus tard dans la soirée, c’est le jeu clair du pianiste finlandais Aki Rissanen occupant le chœur de l’austère église luthérienne qui nous séduit. Mais, c’est surtout le vénérable Gavin Bryars qui, revisitant son répertoire phare, nous bouleversera. Le hasard fera que l’on terminera la soirée avec lui dans le lobby de l’hôtel pour une discussion impromptue passionnante…
Le dimanche, on est remis sur pied avec la vivifiante prestation de Propan. Suivront Le Petit Macabre, un étonnant orchestre émanant entre autres de l’école de musique locale avec des enfants et adolescents revisitant Ligeti. Ensuite, en extérieur, c’est la talentueuse Eve Risser et son Red Desert Orchestra qui captent l’attention d’un public agglutiné autour de la scène sans que la moindre barrière de sécurité ne les sépare. En fin de soirée, l’affiche abandonne le jazz. S’enchaînent une série de performances avec Viola Yip, Mariachi, Pharmakon, Putan Club et enfin le duo techno-punk Deli Girls qui achèvera d’abîmer nos oreilles.
Le Moers est un terrain de jeux, à l’antipode des festivals formatés et surinvestis. Des jeux d’aventures sonores inouïes et sublimes. Un festival auquel nous reviendrons, immanquablement.