Don Kapot : C’est quoi ce chaos ?!

Don Kapot : C’est quoi ce chaos ?!

Auteur d’une remarquable montée en régime, le trio bruxellois nous démontre qu’il en a sous le Kapot… Discussion à bâtons rompus autour d’un gag : « I Love Tempo ».

Don Kapot © Louise Vervaet

Vous fêtez à peu près la cinquième année d’existence du groupe…

Giotis Damianidis (basse) : Cinq ?! Non, ça fait plus longtemps… Sept ans, je pense…

… OK, sept ans ! Vous faites donc partie de l’ancienne génération. Avez-vous inspiré d’autres groupes ? Sur la scène bruxelloise ?

Viktor Perdieus (saxophone) : Comme qui ? Non, je ne vois pas trop… Mais je l’espère…

Jakob Warmenbol (batterie) : Mais oui, c’est vrai que nous faisons déjà partie des anciens. On se croise…

V.P. : Oui, on peut penser à Echt ! par exemple, même si ce qu’ils font est différent.

Il y a quand même depuis quelque temps une nouvelle scène bruxelloise qui se crée…

J.W. : Elle existait déjà. Mais c’est vrai qu’elle grandit en ce moment. Il y a quelques groupes qui proposent une musique plus hybride, qui intéresse plus de monde.

Comment en êtes-vous arrivés à former Don Kapot ?

G.D. : C’est donc une vieille histoire. Jouer de la musique improvisée ne rentre pas nécessairement dans le concept de la création d’un groupe. Je jouais avec Jakob à un moment donné. Puis avec Viktor avec qui on a décidé de créer ce groupe… On a rappelé Jakob.

V.P. : On répétait au Volta (un club anderlechtois qui supporte les musiciens dans leurs projets, notamment par des résidences – NDLR). Il y a plein de choses qui se passent là-bas, plein de groupes que l’on côtoie.

«L’idée de départ, c’était de jouer avec énormément de groove, de façon sèche.» (Giotis Damianidis)

Très vite, on a pu se rendre compte que vous vous démarquiez du jazz.

V.P. : Oui, nous sommes plus « punk », plus « garage ».

G.D. : L’idée de départ, c’était avant tout jouer avec énormément de groove. De façon sèche, sans effets. À présent, notre son se développe. On ajoute un peu de guitares, des claviers…

Ces claviers, c’est Fulco Ottervanger (le claviériste de De Beren Gieren avec lequel ils ont enregistré un album chroniqué par JazzMania – NDLR) qui vous en a donné l’idée ?

V.P. : Non, pas vraiment. Je joue avec ces claviers-là en duo également, avec une chanteuse. J’en ai apporté un en répétition pour voir ce que ça donnait… Et ça sonnait plutôt bien !

Don Kapot © Louise Vervaet

Venons-en à ce nouvel album : « I Love Tempo ». D’emblée, vous annoncez la couleur…

V.P. : En principe, « I Love Tempo », ça ne se dit pas… Ce titre provient d’une private joke…

G.D. : Oui, avec Jakob, nous devions accompagner un chanteur nigérien, à Berlin…

J.W. : On n’avait pas répété avant le concert et j’étais un peu décontenancé par un titre… Je ne savais pas quel rythme prendre. Je lui ai demandé : « Tu peux me donner le tempo ? » et il a répondu : « I Love Tempo ! », c’est littéralement ce qu’il a dit ! (Hilarité générale)

V.P. : C’est génial cette phrase !

J.W. : oui, au point où on a décidé d’en faire des t-shirts ! (des t-shirts qu’ils porteront le soir même en concert et qui font dorénavant partie du merchandising du groupe… NDLR).

Vous n’avez pas dissocié les compositeurs sur la pochette de l’album. Œuvre collective ? Un thème, la rythmique puis l’improvisation ?

(Ils ont du mal à se mettre d’accord)

J.W. : Tout part de l’improvisation.

V.P. : Mais non, pas du tout ! Bien souvent, l’un de nous trois apporte quelque chose en répétition… J’ai apporté le thème de « Bernadette » par exemple.

G.D. : Moi je trouve qu’on fait de « la composition de garage » (SIC).

J.W. : Oui, on peut dire ça : chacun apporte des idées et on improvise dessus.

«C’est quoi le chaos ? Ce n’est pas du chaos… Enfin si, ça le devient un peu quand même.» (Viktor Perdieus)

À l’exception du titre le plus court, « Don Be No », la mélodie reste prioritaire, même dans le chaos…

V.P. : C’est quoi le chaos ? Ce n’est pas du chaos… Enfin si, à la fin ça le devient un peu quand même. Ce titre, on le joue chaque fois de façon très différente. Il en existe plein de versions ! Mais pour revenir à ta question, je pense qu’on improvise beaucoup, jusqu’à atteindre la composition. On enregistre les répétitions et on garde les meilleures idées que l’on retravaille pour les améliorer.

J.W. : Pour l’enregistrement de « I Love Tempo », on a bénéficié de très bonnes conditions de studio, d’un meilleur confort. On a pris plus de temps. Et on avait un fameux ingénieur du son !

Il y a cette rythmique très puissante et plus « carrée » que lors des précédents albums…

V.P. : Oui, je vois ce que tu veux dire. Les patterns sont davantage fixés. Ça sonne dès lors un peu moins « free ».

G.D. : C’était déjà un peu le cas… Je le répète, le groove est très important dans notre musique.

V.P. : Disons que ça sonne un peu mieux, c’est mieux produit.

J.W. : Greg Saunier (le batteur du groupe Deerhoof – NDLR) a fait un boulot incroyable au mixage. Il est très créatif, on lui avait donné « carte blanche ». Quand j’entends le son de ma batterie, j’ai l’impression que c’est lui qui joue !

V.P. : On l’avait repéré sur un mixage qu’il avait fait pour un album du Ceramic Dog de Marc Ribot (« Your Turn » – NDLR). On s’est dit : « Pourquoi pas ? ». On lui laissait beaucoup de libertés. Il a mis du Deerhoof dans le Don Kapot !

Don Kapot © Louise Vervaet

Deerhoof fait donc partie de vos influences ?

V.P. : Oui, certainement, au même titre que Ceramic Dog. On n’a finalement pas beaucoup d’influences du côté du jazz belge. Depuis quelque temps, nous nous intéressons également à un groupe de Chicago : Natural Information Society.

J.W. : Quand je cherche un rythme, je m’inspire de ces groupes-là. Pour « I Love Tempo », je me suis également inspiré de rythmes pygmées. « Me Pig » en est un exemple.

Outre Fulco, avec qui pourriez-vous former un quartet. Avec qui vous voulez, vous avez mon autorisation…

G.D. : Jimi Hendrix !

V.P. : Moi je prends Tom Waits !

G.D. : Waouh ! On forme un quintet alors !

Tu exagères !

G.D. : Ou Miles peut-être…

J.W. : Honnêtement, je ne sais pas…

G.D. : (inarrêtable) Don Kapot featuring George Clinton… Ça en jetterait ! OK, c’est mon choix ! (À ce moment, je sors de mon sac une biographie de Real Muzul « P-Funk, l’odyssée de George Clinton » – éditions Le mot et le reste – devant son regard éberlué… Il en prend une photo et me pose un tas de questions dessus… – NDLR).

J.W. : Oui, Parliament est une vraie référence pour moi…

«Benny ne nous a jamais donné la moindre instruction. Je pense tout simplement qu’il nous aime bien.» (Giotis Damianidis)

Parlons un peu de votre label W.E.R.F. dont vous fêterez le trentième anniversaire ce soir, sur la scène de l’Ancienne Belgique (voir notre compte-rendu)

G.D. : Tout a commencé au Kaap, à Ostende, où nous jouions et où Benny (Claeysier) est venu nous voir. Il a adoré et nous a suggéré de faire partie du catalogue de W.E.R.F. Nous venions d’enregistrer « Hooligan ». Benny ne nous a jamais donné la moindre instruction. Il nous a toujours fait confiance. Je pense tout simplement qu’il nous aime bien.

La palette est large chez W.E.R.F. : de Don Kapot à Alex Koo…

V.P. : Oui, il y a plein de choix et de couleurs différents.

Vous avez une préférence pour l’un ou l’autre artiste du label ?

J.W. : Non, pas nécessairement. Quand nous sommes au Volta, nous croisons d’autres musiciens du label. On se lie d’amitié avec certains d’entre eux, même si nous ne produisons pas la même musique. Mais on peut quand même dire que c’est inspirant… J’aime cet éclectisme dans le label. Schntzl par exemple. J’aime beaucoup l’esprit de créativité du batteur, Casper Van De Velde (que l’on retrouve aussi chez Donder – NDLR).

V.P. : J’aime beaucoup De BeraadGeslagen avec Fulco (Ottervanger) avec qui on a enregistré un album live sans public, au Club Un Peu.

Une idée de Matthieu Ha (qui tient le club avec Cayo – NDLR) ?

J.W. : Non, on lui a demandé. C’était une très belle expérience !

Don Kapot © Louise Vervaet

«Cet album doit servir de levier afin que nous touchions plus de monde.» (Jakob Warmenbol)

Une signature chez W.E.R.F., est-ce que ça ouvre des portes vers l’étranger, pour les concerts notamment ?

G.D. : Oui et non. W.E.R.F. commence à s’étendre en dehors de la Belgique. C’est un processus en cours. Vers l’Angleterre notamment.

Et en Wallonie ?

V.P. : Rien dans l’immédiat… Je voudrais jouer à Charleroi, on n’y est encore jamais allé avec Don Kapot !

G.D. : On a fait le Microfestival à Liège cette année.

J.W. : C’était magnifique ! Le public a répondu présent malgré les conditions climatiques exécrables (il n’a pas arrêté de pleuvoir) et malgré l’heure à laquelle nous jouions, très tôt.

V.P. : Il y a des chouettes festivals auxquels on aimerait être invités : le Gaume, Jazz à Liège,… Avant, nous organisions nous-mêmes des mini tournées en France ou en Grèce, où Giotis a des contacts. À présent, on aimerait tourner un peu plus…

Après vous être professionnalisés au niveau du son, vous aimeriez à présent le faire pour les concerts ?

J.W. : C’est en effet un excellent résumé. L’album a été fait pour ça. C’est un levier qui doit nous permettre de progresser et de toucher plus de monde.

Don Kapot
I Love Tempo
W.E.R.F. / N.E.W.S.

Chronique JazzMania

Merci à Louise Vervaet pour les photos.

Propos recueillis par Yves Tassin