Tout est joli / All is pretty : Long Play

Tout est joli / All is pretty : Long Play

Homerecords / Collectif du lion

Quatre opus en trente ans ( le premier ovni est sorti chez IGLOO en 1993) : on ne peut pas dire que le binôme Devillers/Debrulle nous inonde de productions, mais comme les gâteries qui se font rares sont d’autant plus appréciables et goûteuses, on dégustera à sa juste valeur ce nouveau témoignage de la créativité soixante-huitarde de l’auteur des textes et des musiques – un penchant marqué par le design « vinyle » de la galette et par la photo de couverture prise dans la discothèque de Fabrice Lamproye. Particularité des productions de All is pretty/Tout est Joli (à moins que ce soit l’inverse), le line-up est toujours aussi mouvant : du groupe d’origine formé de quelques pointures de « La Grande Formation » (Debrulle, Jacquemin, Massot, Cassol) à la formule minimaliste du trio Debrulle-Devillers-Eil, la paire voix-batterie est la fondation même de Tout est Joli. Pour « Long Play », voici Nicolas Dechêne aux guitares et à la basse ainsi que Joachim Iannello au violon, dont l’apport donne de nouvelles couleurs au projet. L’inspiration de Thierry Devillers navigue toujours dans ses années musicales de prédilection : vieux requin ne peut mentir, « Old Shark Blues », mais aussi « Threnody » et le clin d’œil à « Summertime Blues ». Aussi au travers de ses préoccupations politiques, « Pronunciamento », coup d’état/coup dans l’eau, de son penchant pour la poésie « Heureuse solitude » de Jean-François Ducis, pour le non-Dieu avec « L’insensé » sur un texte de Nietzsche, pour la résistance « Ruin Sweet Ruin ». Quant à la composition musicale, le choix du violon est d’une belle pertinence, suggérant de la joie dans des textes parfois sombres, décalant aussi l’univers souvent américano-américain du compositeur vers des espaces plus légers, parfois tziganes. Une réalisation fidèle à l’esprit d’origine dont l’univers décalé fait un bien fou, alors que le produit lisse et fade noie le marché. Recommandable, donc.

Jean-Pierre Goffin