Le label NXN sous la loupe
NXN est un label norvégien fondé en 2019 et qui se spécialise dans les projets locaux en mettant l’accent sur l’originalité, l’inventivité et la diversité. Le catalogue comprend désormais toute une gamme de styles allant du contemporain et du néoclassique à l’ambiant et le jazz. Chez NXN, on aime aussi utiliser le terme « cool Nordic sound ». La photo sur la page d’accueil est un clin d’œil clair à ce sujet. Un détail important : NXN Recordings est un sous-label du Naxos Music Group. Conversation avec le fondateur et directeur artistique Tomas Linnes.
«Le premier album est sorti le jour où la Norvège est entrée en confinement, ce qui s’est finalement avéré être une décision en or !»
Quel est votre parcours musical ?
Tomas Linnes : Guitariste de rock à l’origine, j’ai vécu toutes sortes de choses et exercé de nombreux métiers différents, allant du travail dans un magasin de disques à l’enseignement de la musique aux enfants. Je travaille dans la distribution depuis deux décennies jusqu’à ce que je sois nommé directeur général de Naxos Norvège il y a cinq ans. À partir de là, j’ai démarré NXN.
Créer un label en 2019 juste avant le début de la pandémie, était-ce un geste malheureux ou une heureuse coïncidence ?
T.L. : Les deux en fait. Pour mettre le label en avant, trois sorties étaient prévues : « Northern Lullabies », un solo de piano avec des berceuses norvégiennes et suédoises, « Memorabilia », la collaboration entre un trio de jazz expérimental et un groupe vocal médiéval et « Circles », un enregistrement teinté d’ambiant. Une offre très diversifiée pour annoncer la vision du label. Le premier album est sorti le jour où la Norvège est entrée en confinement, ce qui s’est finalement avéré être une décision en or. Les gens avaient besoin d’une musique apaisante pendant cette période d’isolement.
Les deux autres sorties ont suivi comme prévu, car personne ne savait combien de temps dureraient la pandémie et le confinement. Le moment choisi était donc une malédiction et une bénédiction.
Quelle implication avez-vous eue dans le choix du studio d’enregistrement, et visiez-vous dès le départ une ligne sonore spécifique ?
T.L. : Il existe plusieurs scénarios possibles qui sont équivalents. L’essentiel est d’avoir un excellent son. Peu m’importe ce qu’ils me demandent en tant que producteurs ou s’ils proposent eux-mêmes un produit final entièrement terminé.
Limitez-vous les sorties aux CD et au format numérique ou existe-t-il également des vinyles, si nécessaire en éditions limitées comme objets de collection ?
T.L. : Naxos disposant d’un très bon réseau de distribution, nous nous concentrons sur les CD, mais nous sommes également présents sur les plateformes numériques comme Bandcamp. En ce qui concerne le vinyle, il s’est jusqu’à présent limité à cinq albums. Nous sortons également des singles. C’est une façon d’accéder aux playlists sur Internet et ainsi d’attirer l’attention sur un « album complet ». Malheureusement, nous ne pouvons pas y échapper. Personnellement, je préfère toujours écouter des supports sonores physiques via un système audio de haute qualité. Heureusement, je ne suis pas seul dans ce cas.
Il n’y a clairement aucune limitation de style ou de genre comme indiqué sur le site Web, « No Limits, Any Shape, All Music ». Dans quelle mesure cela s’applique-t-il ?
T.L. : D’une certaine manière, c’est bien sûr un slogan pour attirer l’attention. J’entends par là principalement que cela peut aller d’un album solo à un enregistrement avec grand orchestre.
Qui décide du choix artistique des illustrations des pochettes ?
T.L. : Les musiciens. Ceux qui fournissent le contenu peuvent décider eux-mêmes de la pochette. Chez NXN, la liberté artistique s’applique à tous les aspects, y compris le visuel. Je me ferai un plaisir de conseiller ou de proposer les contacts nécessaires sur demande. Il n’y a donc pas de ligne uniforme, mais c’est justement le reflet du catalogue, qui est très diversifié.
Vous disposez également d’un NXN Playground via le site Internet. Qu’est-ce que c’est exactement ?
T.L. : L’idée était d’amener des musiques atypiques aux enfants et de les inciter à se lancer eux-mêmes. En raison des circonstances, cela n’a pas été réalisé comme prévu.
Est-il prévu d’organiser des concerts ?
T.L. : Plusieurs clubs d’Oslo sont intéressés. Cependant, NXN est encore un jeune label. Il est important de d’abord construire une identité et un profil, puis nous prendrons certainement des initiatives dans ce domaine.
Site web : www.nxnrecordings.no
Sélection
Vous trouverez ci-dessous une sélection (alphabétique) du catalogue qui donne une idée de la diversité de l’offre.
Bangkok Lingo : Tomorrow’s Finally Here
Une explosion de tambours « tribaux », de rythmes funk orientaux, d’exotisme balkanique et de jeux de transe avec Black Flower, Echoes Of Zoo, Blurt et Tommy Guerrero comme principaux points d’impact. Ils catapultent l’auditeur tels de véritables « magiciens du flipper » d’un coin à l’autre. La bande-son appropriée à « all tomorrow’s parties ».
Ingi Bjarni : Farfuglar
Un quintette autour du piano, trompette, guitare, basse et batterie, dirigé par Ingi Bjarni Skulason. Il est fasciné par les mouvements migratoires des oiseaux (« farfuglar » signifie oiseaux migrateurs) et a composé les neuf chansons que l’on retrouve sur ce CD. Les interactions entre musiciens tendent vers le jazz, mais avec une aura éthérée. On retrouve la même instrumentation (plus quelques effets électroniques clairsemés) et une atmosphère semblable avec le trio de Karl Strømme et le CD ‘Song Dust’.
Mats Eilertsen Trio & Trio Médiéval : Memorabilia
Une des combinaisons insolites dont ils ont le secret chez NXN. C’est cette fois la fusion d’un trio de jazz traditionnel (piano, contrebasse, batterie) et d’un trio vocal spécialisé dans le répertoire médiéval. Le bassiste et leader du groupe, Eilertsen, a fourni les compositions, tandis que les paroles sont basées sur la poésie du poète norvégien Tor Ulven, complétée par des références liturgiques (« Sanctus », « Agnus Dei », « Gloria »). Harmen Fraanje est le pianiste de service. Une pièce d’écoute spirituelle et presque sacrée qui reflète des pensées philosophiques concernant les souvenirs, leur disparition et le rôle de la mémoire dans ce domaine.
Eple Trio : Ghosts
Une introduction idéale à ce trio avec un piano pas tout à fait classique. Il s’agit d’un « best of » de leurs cinq premiers albums. À l’exception d’un morceau, tout a été enregistré « live » au Kulturkirken Jakob à Oslo (anciennement église de la culture Saint-Jacques et aujourd’hui studio et salle de concert). Un peu plus d’une heure d’écoute pour découvrir comment sonder les silences et les remplir avec parcimonie. Les arcs de tension courts augmentent la force d’attraction. Plus qu’une manœuvre de rattrapage intéressante.
Marius Gjersø : Yûgen
Des sons de trompette sensuels et une électronique personnalisée sur des paysages sonores satinés pour lesquels Gjersø s’est inspiré d’un voyage au Japon, de la culture et la nature locales. Considérons une collaboration entre Enrico Rava et Klaus Schulze. Y compris un passage avec un climat à la Radiohead ! Avec l’aide du contrebassiste Sebastian Haugen, de la violoncelliste Kaja Fjellberg Pettersen et du bassiste (électrique) Jo Berger Myhre.
Anders Lønne Grønseth Multivers : Outer View
Le joueur d’anche Anders Lønne Grønseth est non seulement un multi-instrumentiste (saxophone ténor & alto, clarinette basse) mais surtout un compositeur et théoricien qui a développé tout un répertoire autour du concept du « système de gammes bitonales ». Après des enregistrements avec son quintette dans lesquels différentes approches ont été testées, c’est lui-même qui occupe ici le devant de la scène, même si des accompagnateurs sont de la partie. Une exécution très calme et presque épurée de sa vision qui penche vers le jazz de chambre. Point d’entrée idéal pour ensuite vous donner accès aux autres dimensions de son « multivers ». Pour une connaissance approfondie, nous nous référons au site www.andersgronseth.com.
Daniel Herskedal/Magnus Moksnes Myhre : Desert Lighthouse
Impossible de ne pas utiliser des qualificatifs tels que classique et sacré dans cette collaboration entre Daniel Herskedal (tuba) et Magnus Moksnes Myhre (orgue d’église). Ils sont également passés maîtres dans l’art de créer des moments atmosphériques poétiques sombres et tamisés qui culminent dans des passages de silence glaçants. Enregistré dans la cathédrale de Bergen. Surtout pour ceux qui possèdent également « Gotland » de Nils Landgren.
Kjetil Husebo : Years Of Ambiguity
Ambiance cinématographique marquée par de sombres nuances sporadiques. Avec la collaboration sur certains morceaux d’Arve Henriksen et Eivind Aarset. Pour les fans de The Roswell Incident (le groupe belge), du label Hubro et de la bande originale de « Twin Peaks ».
Andreas Ihlebæk : Nowhere Everything
Une vaste pollinisation croisée entre la « nouvelle vague du piano » actuelle et la pop théâtrale avec Wim Mertens, Kate Bush et Eleni Karaindrou comme paramètres. Comme si un nouveau « Boulevard Of Broken Dreams » était en construction en Norvège. Viennent ensuite ses CD solo « I Will Build You A House » et « Northern Lullabies » dans lesquels la musique folk joue un rôle déterminant.
Helge Iberg : The Black on White Album
Album Beatles du pianiste, auteur et humaniste Helge Iberg avec onze chansons de Lennon & McCartney et une de George Harrison. Une approche contemplative avec quelques fois un véritable drive rock. Pour l’arrangement presque funky de « Come Together », Iberg est revenu à son propre « filtre mojo ». Surtout pour ceux qui suivent tout le courant autour du mouvement néoclassique du piano.
Marius Klovning : Late Nights, Early Mornings
Deuxième album solo de ce guitariste qui a également été publié sur des labels comme Hubro et Propeller. Une pure anthologie acoustique entre jazz, blues et folk avec une dose de fingerpicking. Aussi pour les fans d’Anthony Phillips.
Mr Mibbler : Leave Your Thoughts Here
Sans doute le groupe le plus imaginatif du catalogue. Pour cet album, le trio régulier (Jorn Raknes, Vidar Ersfjord, Tom Hell) a invité dix musiciens à transmettre une improvisation solo sur laquelle ils se sont ensuite mis au travail. Parmi eux, Nils Petter Molvær, Anja Garbarek et Mathias Eick. Un collage comme un voyage dans les brumes du Grand Nord. Comme si Pink Floyd était ressuscité. À ne pas manquer également : « The Long Journey » dans lequel ils entrent tous les trois dans une autre dimension.
Django Novo : The Distance
Derrière le nom Django Novo se cache un duo d’instrumentistes polyvalents, Django Novo (également parolier) et Tov Ramstad. Pour « The Distance », ils ont invité de nombreux musiciens pour ajouter des accents subtils. Ils sonnent comme des Cowboy Junkies sur « The Trinity Session » avec d’autres liens vers Ennio Morricone et Laurie Anderson (période « O Superman »).
Jonas Sjovaag : Sunday Songs
L’auteur-compositeur-interprète de service chez NXN avec dix petites scènes humaines concernant l’éphémère, l’amour et la nature. Sjovaag chante et joue de la batterie et du synthétiseur par moments. Andreas Ulvo l’accompagne au piano. Parmi les musiciens invités figure également le trompettiste Mathias Eick. Quelque part entre Leonard Cohen et Neil Young.
Thomas Torstrup Quartet : Two Brothers
Quiconque recherche un son jazz contemporain chez NXN se tournera presque automatiquement auprès du quatuor du pianiste Thomas Torstrup, composé du trompettiste Simen Kiil Halvorsen, du bassiste Stian Andersen et du batteur Ivar Asheim. Après le surprenant morceau d’ouverture avec guimbarde et piano « préparé », les compositions suivent dans un style complexe, avec comme extras, une ballade et un « Item » mélodique swinguant. Un groupe polyvalent à découvrir absolument.
Une collaboration Jazz’halo / JazzMania
Traduction libre : Luc Utluk (merci à lui)