Federico Calcagno Octet : Mundus Inversus
Parvenir à ne ressembler musicalement à presque personne d’autre est une gageure. Qu’accomplit ici le clarinettiste et compositeur italien Federico Calcagno à la tête d’un octet dans lequel nous retrouvons entre autres Nabou Claerhout au trombone. Avec les autres musiciens (sax alto, violoncelle, vibraphone, piano, basse et batterie), ils se sont retrouvés aux Pays-Bas pour y enregistrer une étrange musique entremêlant un jazz expressif avec des éléments de classique contemporain. Sur des rythmiques qu’il dit influencées par la musique du sud de l’Inde et de l’Afrique. Le tout proposant « un voyage illuminé dans la tête de Frank Zappa » ! C’est sur son propre label que le clarinettiste, qui joue aussi de la clarinette basse, publie cette musique singulière qui nous chamboule largement. « Un monde à l’envers » comme l’indique le titre, grâce à un jazz qui privilégie l’audace, les recherches, en optant pour des voies de traverses. Cette fusion est perturbante, free, mathématique, désarticulée. Elle nous emmène sur des parcours sinueux faits de souffles, de moments de respirations, de dissonances, de danses épileptiques, de tumultes. Elle requiert de l’attention pour capter ces sonorités, souvent dominées par les cuivres, qui se cognent, se superposent, pour parfois se retrouver à l’unisson au sein du thème, pas toujours évident. Un jazz cérébral qui diffuse des compositions disparates, mais que le leader parvient, par bribes, à resserrer en unité sur quelques finales. Un titre se nomme « The Other Side of Silence », il n’est pas bruitiste comme nous pourrions le supposer, mais je pense que cette musique est conforme à cette autre face, à cet autre côté où la liberté d’expression est un beau leitmotiv ! Un album audacieux, difficile parfois, captivant quelquefois, mais qui a le mérite d’évoluer, tout du long de l’écoute, dans une évidente continuité. Celle qui fait la marque de cet octet. Et celle que lui a imprimée ce compositeur à l’écriture téméraire.