Marc Moulin : l’absent
Le temps passe… Personne ne le niera.
Ainsi, Marc Moulin aurait 82 ans en ce moment… si un cancer de la gorge ne l’avait emporté il y a tout juste 16 ans. Un comble pour cet homme qui a su nous séduire avec sa voix. Certes, il avait de nombreuses cordes à son arc, mais sa flèche préférée, celle qui atteignait immanquablement sa cible, c’était à coup sûr celle de la radio.
On connaît évidemment tous (du moins les « moins jeunes ») ce sacré Jeu des dictionnaires animé par Jacques Mercier (le papa de Stéphane pour que ce « papier » sente quand même un peu le jazz…) où il formait une paire désopilante aux côtés de Philippe Geluck. Marc Moulin possédait un sens de l’humour acide, sinon décapant qu’il utilisait pour analyser notre société sans pitié. Un exercice de style qu’il a couché également sur papier dans les fameuses Humoeurs publiées dans le Télémoustique (appellation d’origine…).
Au-delà des pitreries sérieuses dont il nous abreuvait dans le Jeu des dictionnaires ou dans La semaine infernale (souvenons-nous des aventures extravagantes de la famille Tilkin), Marc Moulin a surtout occupé les ondes en musique. On lui doit en effet la création de Radio Cité à la fin des années 70, une radio diffusée à l’époque et jusqu’en janvier 1986, uniquement le week-end, en stéréo (une première pour ce que l’on appelait encore la RTBf).
Radio Cité ! Ses jingles agencés par le trio Telex, sa programmation qui mêlait astucieusement musiques pop, rock, funky, soul (la Motown était particulièrement diffusée) et bien sûr le jazz. Du moins un « certain jazz » qu’il présentait lui-même dans une émission d’une heure baptisée « Radio Cité Crooner ».
Marc Moulin animateur, chroniqueur et musicien bien évidemment.
Pianiste de formation, il a fondé le groupe de jazz fusion Placebo (rien à voir avec la bande à Brian Molko…) à la fin des années 60. Groupe, on peut le dire, « à géométrie variable » qui a vu passer en ses rangs des musiciens comme Philip Catherine et Francis « Weyer » Goya. Trois albums innovants, parus entre 1971 et 1974 puis un split consommé en 1976.
A partir de la fin des années 70, l’Europe connaît une vague musicale synthétique… On pense notamment au succès rencontré par Kraftwerk et digéré ensuite par des groupes comme Depeche Mode, Orchestral Manœuvres in the Dark, Tubeway Army, Visage, et même David Bowie lors de son passage à Berlin. Marc Moulin s’engouffre dans cet espace et, parallèlement à son nouveau boulot de producteur (les Sparks, Lio, Chamfort), il fonde le trio Telex, un canular qui connaîtra un succès mondial (le tube « Moskow Diskow ») puis qui devra déchanter lors de l’aventure Eurovision, en 1980, que le groupe aurait mieux fait d’éviter.
Musicalement, on retiendra encore de lui un passage obligé et remarquable auprès du label légendaire Blue Note qui accueillera, dans les années 2000, trois albums qu’on ne peut que vous conseiller d’écouter : « Top Secret » (2001), « Entertainment » (2004) et « I Am You » (2007).
Un an plus tard, le 26 septembre 2008, Marc Moulin, celui à qui nous devons énormément, nous quittait définitivement, à l’âge de 66 ans à peine.