Les Négresses Vertes : Clap de fin ? A voir !

Les Négresses Vertes : Clap de fin ? A voir !

Quand on a annoncé un concert des Négresses Vertes à Huy en 2018, j’ai dû me pincer pour réaliser la chose, avant d’acheter tout de suite deux places. J’ai connu la même réaction quand on m’a proposé une interview avec leur guitariste / compositeur et désormais chanteur, Stéfane Mellino, pour célébrer la venue du groupe au Cirque Royal et par la même occasion, annoncer leur dernier concert en Belgique. La mort de leur chanteur Helno datant d’il y a plus de trente ans, je n’ai pas désiré revenir sur ce fait lors de notre entretien. Des années après ce malheur, le groupe est remonté sur les planches et a su faire revivre la magie du passé, grâce à ses nombreuses chansons intemporelles. Finalement, là réside le plus important. Leur plaisir de jouer et le nôtre de chanter, de danser et de succomber à leur mix de chansons françaises, de rock-punk, de musette et de flamenco.

Les Negresses Vertes © Hugo Thomassen

«On va réfléchir à la suite à donner à cet événement car on s’est redonné une forme de légitimité musicale.»

Nous voici donc arrivés à la fin de cette dernière tournée. Comment a été prise cette décision d’arrêter ?
Stéfane Mellino : En 2018, pour les trente ans de l’album « Mlah » et sous l’impulsion de Pierre Alexandre Vertadier, le patron de Décibels Productions, on s’est réuni à Paris pour discuter de la manière de fêter cet événement. Finalement, nous nous sommes mis d’accord pour faire une quarantaine de dates. Puis la tournée a évolué, des dates se sont rajoutées et finalement, nous arrivons au bout. Cela va être le moment de s’arrêter après toutes ces années de tournées. Mais on ne va s’arrêter qu’une ou deux années. Car maintenant on peut dire que le groupe s’est reformé ! On va réfléchir à la suite à donner à cet évènement, car on s’est redonné une forme de légitimité musicale avec ces 300 concerts. Elle avait disparu avec ces 17 années d’arrêt prolongé, mais là, elle est de retour. La reformation avec quatre anciens et de nouveaux arrivants a apporté une nouvelle énergie. Un peu à la manière des groupes anglo-saxons qui se régénèrent au fil des années et qui retrouvent leur public d’antan. Car il y a une forme de nostalgie qui est bien présente. Il y a des gens qui retrouvent notre esprit, leur esprit de l’époque, qu’ils peuvent revivre pendant les deux heures de concert. Car l’époque a disparu.

«Les médias importants ‐ surtout en France ‐ nous ont pratiquement ignorés alors que nous refaisions 300 concerts !»

Cette « reformation » pourrait aller jusqu’à un nouvel album ?
S.M. : Faire un nouvel album pour nous n’a plus de sens. Les gens n’écoutent plus la musique comme avant. Maintenant, les gens scrollent sur tout pendant 20 secondes. Un livre, un film, la musique. Arrêtons de nourrir cette machine effroyable !

Mais qu’est-ce qui nous remémorera cette tournée ? Un album live ou un DVD ?
S.M. : On reviendra certainement avec un projet d’album live. C’est plus ce genre de choses vers lesquelles on se tournera. Pour laisser un souvenir à toutes ces personnes que nous avons croisées lors de cette tournée. Quelque chose pour eux. Pour les Belges, pour les Hollandais. En Belgique, on a toujours eu une fan base avec des personnes très présentes pour nous soutenir. Pas de souvenirs pour les médias importants, surtout en France, qui nous ont pratiquement ignorés alors que nous refaisions 300 concerts ! En octobre, à Paris, il n’y a qu’un ou deux journalistes qui sont venus, se demandant ce que c’était cet engouement populaire ! On y a joué à l’Olympia et à La Maroquinerie, mais on n’a jamais fait de Zénith. (Je ressens une petite rancœur, de la déception, dans sa voix et c’est bien compréhensible – NDLR)

Où vous a emmené cette longue tournée ?
S.M. : Chez vous, où un tourneur flamand nous a toujours soutenu, en Hollande, en Angleterre, deux fois aux Etats-Unis, en Italie, Hongrie, Roumanie, Grèce, Allemagne… On a eu une portée internationale grâce à ce premier album et les concerts de l’époque. Et ça continue !

Contents de revenir à Bruxelles ?
S.M. Oh oui, la Belgique a toujours compté pour nous. On y a toujours été bien accueilli et jouer dans une salle aussi prestigieuse que le Cirque Royal, c’est du pur bonheur. Cela va être un grand moment.

«En fait, « Mlah », ce n’est plus notre album, c’est devenu celui des gens qui viennent nous voir tous les soirs !»

Les Negresses Vertes © Hugo Thomassen

En 2018 je vous ai vu en concert à Huy et là, le concert était essentiellement axé sur « Mlah ». La set list actuelle est-elle toujours basée sur les deux premiers albums ou ya-t-il des surprises, des choses inhabituelles ?
S.M. : Bien sûr. A Huy, c’était seulement le troisième concert des trente ans. On jouait « Mlah » dans son entièreté. Maintenant, on le joue toujours, plus quelques morceaux du second, dont « Famille nombreuse ». On joue aussi quelques morceaux de « Trabendo ». Le répertoire s’est considérablement élargi pour atteindre les deux heures de concert.

Êtes-vous conscient que « Mlah » est devenu un album culte ?
S.M. : A l’époque, on n’a pas réalisé l’importance de tout cela. Maintenant, avec toutes ces personnes qui viennent aux concerts, nous en sommes bien conscients. En fait, cet album, ce n’est presque plus le nôtre, c’est celui des gens qui viennent nous voir tous les soirs ! C’est l’album d’une génération de gens qui sont mariés, qui ont voyagé, qui ont fait des choses avec cette musique « en fond d’écran ». Si on voit ce que je veux dire !

Avant cette discussion, je m’étais dit que, si vous arrêtiez les Négresses Vertes, vous alliez peut-être reformer votre groupe « Mellino » avec votre épouse Iza…
S.M. : Bien sûr que je reformerai le groupe. Je ne sais pas combien de temps cela va durer avec les Négresses Vertes. Sincèrement, je ne pense pas que l’on va continuer longtemps, l’envie est présente et nous verrons bien. Mais on est jeunes, on a bien le temps de recommencer Mellino et, avec ce groupe, on peut encore faire des disques. Avec Mellino, j’ai acquis une autre liberté d’écriture, je me suis affranchi du style musical des Négresses Vertes et à 64 ans, je n’ai plus envie d’écrire des chansons comme celles de « Mlah ». Ce qui est valable pour moi est valable pour n’importe quel corps de métier ! Aujourd’hui, on ne peut pas essayer de refaire ce que l’on a déjà fait. Dans Mellino, il n’y a pas de cuivres, pas d’accordéon, il y a juste ma façon de composer.

Les Négresses Vertes en concert au Cirque Royal de Bruxelles le 7 novembre.

Retrouvez la biographie et la chronique de l’album culte « Mlah » sur le JazzMania.

Propos recueillis par Claudy Jalet