Pilz Reis Dahm Martiny : Mayhem

Pilz Reis Dahm Martiny : Mayhem

Badass Yogi Productions

En novembre 2023, le clarinettiste luxembourgeois Michel Pilz nous quittait à l’âge de 78 ans et cet album lui est dédicacé. Je pense que c’est ici que nous entendrons une dernière fois le souffle puissant de son instrument, la clarinette basse. Mais sait-on jamais, dans les tiroirs… ?Figure emblématique du free jazz, il joue ici avec le pianiste Michel Reis, le saxophoniste ténor Pit Dahm (qui joue aussi de la batterie) et le batteur Benoit Martiny. Quatre sommités du jazz libre, improvisé, qui sont créditées, seule ou en quartet, de l’écriture des compositions au sein desquelles figure la reprise de « Gazzelloni » d’Eric Dolphy dont Pilz était un grand admirateur. Le titre d’ouverture (« Thunder ») est introduit par un gong et suivi d’un solo de batterie. Puis sur « Melu-Sina », le titre phare de Pilz avec lequel il terminait souvent ses concerts, les souffles arrivent comme des incantations. Le grand voyage free jazz, mais malgré tout assez épuré, s’engage dans des voies chaotiques, dans des sons puissants. Sans bassiste pour les guider, les deux batteurs bénéficient d’une belle liberté et ils en usent avec bonheur, sortant des sons crus, secs, juste naturels. Nous ressentons ce jazz sans artifice extérieur, juste de la pureté sonore, de l’enivrant. Et même s’il y avait des lignes de conduite à essayer de respecter, l’improvisation reste la maîtresse du jeu. Nous ressentons aussi cette stimulation entre les quatre musiciens, ils semblent s’observer, l’un ose une ligne, intrigue certainement un autre et tous s’imbriquent et créent l’œuvre. Une œuvre peut-être faite de compromis, mais qui semble donner les mêmes valeurs à chacun, le même droit à la liberté d’expression. N’empêche que, selon nos attentes, nous serons plus sensibles à certaines sonorités et pour moi ces puissants souffles émis par la clarinette basse et le saxophone ténor me font l’effet d’explosions internes. Mais je ne reste pas insensible aux belles interventions du pianiste ni aux travaux des batteurs. Michel Pilz nous quitte sur un très efficace album de jazz libre, épanoui, énergique, intense. Même sonique. Et laisse sur place quelques musiciens orphelins.

Claudy Jalet