
Phil Haynes & Ben Monder : Transition(s)
Phil Haynes nous livre tout d’abord une anecdote insolite en guise d’introduction : « Il se trouve qu’en plus des nombreuses jams avec d’autres musiciens à l’époque, Ben et moi avions l’habitude de nous retrouver toutes les semaines ou tous les mois, pendant quelques années, pour jouer en duo. S’exploser l’esprit et l’âme sur « Transition » de Coltrane est devenu un rituel. Il m’est presque impossible d’oublier les nombreuses fois où nous commencions les sessions par une interprétation de 20 à 40 minutes du thème emblématique, avant de boire un coup, le refaire à nouveau, puis de nous rendre chez Joe’s Pizza pour des sandwiches à l’aubergine Parmigiana. A notre retour pour la digestion, nous terminions souvent par une autre approche dans le style de Trane… ». Un duo dans une constellation très intime et particulière, car ce n’est pas un pianiste qui rencontre un batteur, mais un guitariste. « Ben I » est une véritable bourrasque de vent électronique.
Des sonorités sombres surgissent des profondeurs de la pièce, auxquelles se superposent des sons aigus et corrosifs. D’ailleurs, on perçoit également quelques sons d’orgue. Sur le morceau « Untitled », on a l’impression que le batteur parcourt les peaux de sa batterie à l’aide d’un grattoir qui se déplace de manière circulaire. Quelques percussions discrètes parviennent aussi à nos oreilles, tandis qu’un tapis sonore se déroule en voix off. L’un ou l’autre coup de tonnerre théâtral semble être mis en scène. S’agit-il d’un son de synthé ou d’une guitare altérée ? Et dans ce morceau également, on a l’impression de percevoir des sons d’orgue graves. Sinon, ce sont des vrombissements et des bourdonnements qui nous parviennent. « Brief Piece » est un court morceau qui se suffit à lui-même, avec une course de guitare distinguée. Quelques bulles de cordes s’élèvent et puis c’est tout. Des timbales et des cymbales résonnent au début de « Transition ». Puis, la guitare de Ben Monder pousse ses hurlements et ses gémissements. Un peu plus tard, les baguettes entament leur danse sur les peaux des toms et de la caisse claire. Des bruits de tôle s’amplifient et se propagent, au moment où Monder se met à jouer comme s’il voulait rendre hommage à Jimi Hendrix. Les sons se développent rapidement et se concentrent en surfaces sonores avec une multitude de colorations. Pendant ce temps, Phil Haynes s’active sans relâche à son stand de tir. Étrangement, le morceau « Openings » ne figure pas au début de l’album… Et pourquoi pas ? Après tout, un album se construit parfois sur les idées singulières des musiciens. Des cloches de vaches retentissent ; des cordes étouffées résonnent. Au sein de cette palette sonore, on a également l’impression d’entendre un carillon avec des baguettes. De temps en temps, le guitariste s’enfonce aussi dans des abîmes sonores. Il renonce parfois à toute altération et préfère nous partager le son pur de la guitare, même dans les notes les plus aiguës qui peuvent être obtenues sur un tel instrument à cordes. Avec le morceau « Too Easily », nous découvrons une couverture sonore, un véritable régal, qui se situe au-delà du hard rock, plutôt au niveau du jazz rock lyrique. Et l’album, qui vaut vraiment la peine d’être écouté, se referme sur « Epilogue » !
Traduction libre : Alain Graff