Les cascades de KAU

Les cascades de KAU

Rencontre avec un trio qui s’insère parfaitement dans la nouvelle mouvance electro-jazz bruxelloise.

KAU © Quentin Perot

Salut les gars ! Tout d’abord, félicitations pour votre nouvel album ! On vous a connu sous le nom de KAU Trio, et maintenant, on vous retrouve sous le nom plus simple et pas si différent « KAU »

Matteo Genovese : Oui, tout d’abord, on trouvait que Kau sonnait mieux. Plus court et plus « direct à l’essentiel ». Juste « Kau ». C’est plus facile. Et puis pour des raisons de marketing. On nous a suggéré cette version plus courte, et oui, on a tout de suite aimé (et préféré) « Kau ». Et puis, à l’époque de « Kau Trio », on faisait pas mal de featurings et d’invités, et ce n’était pas seulement un gimmick, un clin d’œil. C’est vraiment parce qu’on aime ça, on aime expérimenter de nouvelles choses, on était un quartet, un quintet, un sextet, ou ce qui correspondait à la situation et à nos envies. On adore expérimenter avec notre musique, donc on a essayé différentes combinaisons.

Ça vous permet d’être beaucoup plus flexibles sur la forme du groupe.

M.G. : Oui, ça pouvait devenir limitatif par moments. Et comme tu vas pouvoir le voir par toi-même ce soir, on ne sera pas trois sur scène… (NDLR : l’interview a eu lieu peu avant leur concert au Botanique le 16 octobre)

« On est originaires de pays différents, mais en réalité, on est de Bruxelles. »

Mon sentiment à propos de ce changement de nom est que vous avez bien fait. Tout le monde sait que KAU est KAU Trio, que c’est le même groupe, et je trouve en effet que ce nom est beaucoup plus efficace, direct, impactant. Ça ajoute une part de mystère qui est aussi intrigante et qui invite à en savoir plus. Et donc, KAU, c’est trois gars. Vous venez tous de pays différents, et une question me taraude : comment vous êtes-vous rencontrés ? Comment en êtes-vous arrivés à faire de la musique ensemble ?

André Breidlib : On est allés à l’école secondaire ensemble. On se connait depuis TRÈS longtemps ! On est originaires de pays différents, mais on est de Bruxelles en réalité. C’était une école internationale, très cosmopolite, ou se croisent énormément de nationalités, énormément de cultures différentes, énormément de langues différentes. Je suis norvégien, Matteo est italien, et Jan est italo-allemand. On s’est rencontrés dans cette école super internationale. On avait 13 ans.

Et cette amitié tient bon depuis.

M.G. : Et on avait déjà un groupe à l’époque. Ce n’était pas KAU.

C’était « Chaos » ?

Jan Janzen. : (rires) C’était « Rage Against the Machine » !

M.G. : C’était un cover-band, on a fait plein de trucs. Et puis on a eu au moins trois ou quatre projets depuis, et aussi avec d’autres musiciens qui avaient intégré le groupe. Un des guitaristes d’un projet précédent vient ce soir d’ailleurs.

Vous avez participé à des initiatives de structures d’aides comme Court-Circuit, par exemple…

M.G. : Le truc, c’est qu’on s’est inscrit pour le Concours-Circuit, mais nous n’avons pas été repris pour les quarts de finale. Je pense qu’à l’époque, notre projet était déjà bien établi, on avait un manager, on avait un booker, on avait déjà beaucoup de gens autour de nous, on n’en était pas à nos débuts. On jouait déjà ensemble depuis une paire d’années, et ils ont estimé qu’ils n’allaient pas nous apporter beaucoup plus que ce que nous avions déjà. On jouait, on avait une structure. En plus, on s’est inscrit tard, et donc, nous n’avons pas été plus loin dans l’aventure. Mais on a beaucoup d’amis qui ont participé au concours, c’est une très belle compétition.

J.J. : On a fait d’autres concours… On a fait le « Soundtrack » par exemple (NDLR. : c’est un concours organisé par le hub VI.BE et le secteur de la musique live), mais les choses ne se sont simplement pas faites.

« On questionne la musique, on l’interroge, et si on aime la réponse, si on aime ce qui s’en dégage, on le sort. »

Vous avez fait beaucoup de son depuis 2020 ! Quatre albums en cinq ans, ça fait presque un album par an, plus les singles, les collaborations et tout le reste. Est-ce que vous vous arrêtez parfois ?

M.G. : Si on compte le dernier E.P., « Kaugummi / Mad Kau », ça fait une release par an ! Notre processus de création est très direct. On fait des choses, et on a envie de les sortir. On questionne la musique, on l’interroge, et si on aime la réponse, si on aime ce qui s’en dégage, on le sort. On travaille beaucoup notre musique, mais l’idée est de ne jamais interrompre le flux, le processus, et au final, on fait confiance à la musique. Si elle nous parle, on la sort.

KAU © Quentin Perot

Et votre musique trouve une seconde vie en live…

J.J. : On n’arrête jamais de travailler sur nous-même en tant que musiciens, et donc oui, les choses évoluent et pour cette release, ça fait un an qu’on a écrit ces morceaux, et ils ont évolué, la musique grandit ! On les joue différemment maintenant. Et on a de nouvelles inspirations depuis. Moi, par exemple, j’ai en tête un morceau que je veux absolument faire avec KAU, et je suis très impatient qu’on se lance là-dedans et qu’on avance !

M.G. : Il ne faut pas que les choses restent figées, la musique peut encore se développer par après.

Ça vous permet de rester dans une dynamique très vive, ça vous permet de rapidement passer à de nouvelles choses. D’ailleurs, votre premier album est très hip-hop, presque R’n’B alors que votre deuxième est très « Jazz-Jazz », le troisième est de nouveau hip-hop, mais plus rap. Le quatrième est beaucoup plus rock…

J.J. : Il est plus « heavy » celui-là. On joue des accords de quinte à la guitare, oui, on est dans le rock.

M.G. : Dans un sens, à chaque fois, c’est un nouveau chapitre. Ça dépend de notre humeur, de ce qu’on a envie d’être ou de faire. Le premier était un peu plus rythmé, un peu plus R’n’B, et puis l’année suivante, on a eu envie de faire des choses plus ouvertes, plus « rêveuses ». On se laisse porter par notre humeur, c’est comme une palette, parfois, on peint en bleu, parfois, on peint en rouge. C’est très thématique.

Ok. Et donc, de ce que j’ai pu ressentir avec ce dernier album, c’est que vous vous sentiez un peu nostalgiques, je me trompe ?

M.G : (Rires) Oui, tout à fait !

A.B. : C’était un gros facteur, oui !

J’ai entendu des fortes inspirations de FSOL – Future Sound of London, de Plaid…

J.J. : Je ne connais aucun de ces deux groupes ! (Rires)

C’est d’autant plus surprenant si j’ai eu cette impression. C’est que vous avez une nostalgie très proche de la réalité ! (Rires)

Ce sont des groupes qui font de la musique électronique depuis très très longtemps, ils étaient assez actifs dans les années 90.

M.G. : C’est fou qu’on ne connaisse pas ces groupes et que tu reconnaisses leur musique dans la nôtre ! On avait envie de calmer un peu le jeu et de revenir à quelque chose de très proche de nos émotions et c’est sans doute pour ça que tu as ressenti de la nostalgie. On voulait faire quelque chose de mature.

« On a vraiment poussé les synthés analogues qui sont le lien entre tous nos albums. »

Pas uniquement d’un point de vue des émotions ! Je trouve qu’au niveau du son, des sonorités, réellement, on est très proche de ce qui se faisait dans les années 90, début 2000.

M.G. : On a vraiment poussé les synthés analogues, qui sont le lien entre tous nos albums. C’est un son qui revient toujours dans notre musique, et ici, on sent plus encore cette rugosité du synthé analogue qui amplifie encore cette sensation, je pense.

KAU © Quentin Perot

Les sons m’ont fait penser à cette période, mais la musique que j’ai entendue était, elle, très actuelle. On sent fort cette influence de la vague belgo-bruxelloise des Echt!, des Jean-Paul Groove, Bandler Ching, Tukan et des autres, on sent cette puissance dans le groove, dans la fête, mais c’est plus subtil, plus léger chez vous, tout en gardant ce fameux groove et en affirmant votre propre signature sonore. Autre particularité de votre album, c’est la durée des morceaux : ils sont très courts pour la plupart.

J.J. : L’idée c’était d’apporter une grande diversité dans la musique, ça permet de faire beaucoup de choses. On voulait garder l’auditeur attentif et actif, ne jamais le laisser s’ennuyer.

A.B. : On voulait faire une sorte de « beat-tape ». On avait une idée, ou simplement l’envie de faire quelque chose, on l’enregistrait.

J.J. : On a fait beaucoup de jams, et on a « coupé » les morceaux, on a ré-assemblé le tout et on a rejoué les pistes et on les a mises sur l’album. C’est aussi simple que ça ! On avait bien entendu beaucoup plus que ce qu’on a pu mettre sur l’album qui devait rester au format LP. Alex adore le morceau « No Comply », un morceau qui fait juste 30 secondes ! Ça le frustre, et c’est exactement ce qu’on voulait faire, on voulait que les gens aient envie de plus ! On s’est inspiré de Salomea, un groupe de Cologne. Sur leur dernier album, qui est incroyable, il y a 20 morceaux !

And now ? What’s next ?

J.J. : On va sortir des morceaux avec des cordes bientôt, et un live. On va enregistrer le concert de ce soir et peut-être faire quelque chose avec !

M.G. : Oui, ce soir, on joue avec un quartet de violons. C’est une surprise !

J.J. : Et demain, on part pour Londres ! Le voyage continue ! Ça ne s’arrête jamais !

M.G. : C’est vraiment ça que la pochette veut dire. Ce petit bonhomme qui court, et ne s’arrête jamais. C’est comme la vie en musique. C’est un sujet perpétuel. C’est comme la vie en général en fait ! On court tous après quelque chose, que ce soient nos rêves, notre vie de tous les jours, le temps, on court tous après quelque chose. On est tous dans le même état que ce petit bonhomme qui court.

Voilà une bien belle conclusion !

KAU
Unknown Waveforms
Sdban

Propos recueillis par Quentin Perot