Rêve d’éléphant orchestra, Odyssée14
Rêve d’Éléphant Orchestra, Odyssée 14
« REO4 », une odyssée musicale
Quatrième ovni du Rêve d’Eléphant Orchestra, « Odissey 14 » est un voyage fantastique à travers la musique depuis le XIVe siècle, jusqu’à demain … ou après ? Tous ceux qui avaient découvert la musique de « La Grande Formation » sur l’album « Anyone Lived In A Pretty How Town », ont attendu longtemps qu’ un ensemble aussi original ne revienne secouer le cocotier musical liégeois, wallon, bruxellois… Et, Rêve d’Eléphant Orchestra est arrivé et a convaincu ! Une claque salutaire dans un paysage musical un peu engoncé, le septet offre une solide rythmique ( trois percussions, pas moins) et une volée de solistes parmi les plus inventifs de Belgique, voire d’Europe : Laurent Blondiau (trompette), Michel Massot (tuba, trombone), Pierre Bernard (flûte). Trois premiers opus sans faiblesse développent un discours à la fois festif et savant où les compositions de Massot brillent et donnent la ligne force de l’ensemble. Une pièce de « Pourquoi Pas Un Scampi ? » va fonder la thématique de ce nouvelle album : « O cieco mondo, di lusinghe pieno» de Jacopo da Bologna, une pièce du XIVe siècle électrique et altière, est à l’origine d’une demande de Tarquin Billet, alors directeur du festival « Ars Musica », pour un travail sur la musique de cette époque. Travail passionnant sans doute, mais difficilement transposable à un groupe où la rythmique tient une place prépondérante. L’idée est alors d’élargir le propos, de s’inspirer de courants musicaux à travers les siècles… d’où l’ Odyssée.
Au premier coup d’œil, c’est la pochette qui séduit, un splendide travail de Lucas Racasse. Puis le livret, tout aussi étoilé, qui reprend l’intégralité des textes; car la grande nouveauté du projet de « REO » est bien dans ces inserts chantés ou récités : Rimbaud, Burroughs, Shakespeare, Picasso, citations diverses et les textes originaux de Thierry Devillers (collaborateur de longue date de Michel Debrulle avec « Tout est Joli/All is Pretty » dont « The Wind and the Rain » – IGLOO, 1993 – est repris ici). Un album concept donc, mais aussi deux changements dans le line-up du groupe : avec son jeu multifacettes le guitariste liégeois Nicolas Dechêne apporte à la fois la stridence, la vibration électrique et la finesse de son jeu acoustique, une nouvelle couleur apportée à l’orchestre. Décrocher le trompettiste Jean-Paul Estiévenart relève quasi de l’exploit : avec son trio, Collapse, le LG Jazz Collective et la dizaine d’autres formations dont il fait partie, le musicien est parmi les plus demandés de la sphère jazz et le résultat est ici encore…soufflant.
L’album s’ouvre en douceur avec « Sur La Route », une composition de Pierre Bernard qui fait une belle transition avec « Tradewinds » de Dave Burrell qui clôturait l’album précédent. Nouvel animal du bestiaire éléphantique, « Dormaalocyon Iatouri » (de Pierre Bernard) ne se trouve sans doute pas là par hasard (une évocation de Pierre Van Dormael ?) et fait partie des plus belles pièces de l’album, tout comme « Le Sacre de l’Eléphant » inspiré par Stravinsky (aussi une composition du flûtiste). La quasi-totalité des compositions sont écrites par Michel Massot et Pierre Bernard, ce qui donne à l’album une patte, un cachet, comme un label « REO ». Si les textes auront plus leur raison d’être dans les prestations en public du groupe – avec aussi le plus de la présence de David Hernandez pour la partie chorégraphie – il faut tendre l’oreille sur le merveilleux et inspiré « Agitprop » de Thierry Devillers ainsi que sur le récitatif singulier de « The Man Who Taught His Asshole To Talk ».
Jean-Pierre Goffin