Emmanuel Baily, Night Stork

Emmanuel Baily, Night Stork

Emmanuel BailyNight Stork (Igloo)

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Pour comprendre le cheminement de ce projet, il est intéressant de se pencher sur le parcours de son créateur.
Emmanuel Baily a poursuivi ses études de guitare au Conservatoire de Liège mais il est aussi diplômé en musique de chambre (classe de Jean-Pierre Peuvion) et a étudié l’improvisation d’abord avec Garrett List puis Fabrizio Cassol, avec qui il a participé aux projets Alefba et Conférence of The Birds. Si on l’avait découvert, avec sa compagne Marine Horbaczewski, au sein du quartet Wang Wei, de Kind of Pink avec Philippe Laloy, de l’Orchestra Vivo de Garrett List, du projet Moonly Delight d’André Klenes comme du trio de Stéphane Martini, il n’avait pas encore enregistré d’album à son nom. C’est chose faite avec ce “Night Stork”, un répertoire qu’il a présenté lors de sa carte blanche au Gaume Jazz Festival. Pour ce projet, Emmanuel a opté pour une orchestration particulièrement originale : guitare et oud, clarinette et cornet à bouquin et batterie. A l’oud, ce luth arabe qu’il avait croisé pour Alefba, on retrouve Khaled Aljaramani, musicien diplômé du Conservatoire de Damas, membre de l’Orchestre Symphonique de Syrie et fondateur, avec Serge Teyssot-Gay, le guitariste de Noir Désir, du projet Interzone. A la clarinette, Jean-François Foliez qui a participé au projet Music 4 a While de Johan Dupont, au Gypsy Swing Quintet, à l’Orchestra Vivo et vient de former son propre quartet Playground, avec le pianiste Casimir Liberski et le batteur Xavier Rogé. Au cornet à bouquin, cet instrument ancien à vent en bois, à l’image du serpent cher à Michel Godard (Claude Barthélemy avait réuni cornet à bouquin et serpent pour son premier Orchestre National de Jazz, avec Patrick Fabert et Michel Godard), le Français Lambert Colson. Après avoir poursuivi ses études de Musique ancienne au Conservatoire d’Aubervillers, il a étudié le cornet à bouquin à la Schola Cantorum de Bâle. S’il s’est essentiellement consacré à la musique ancienne, il a été aussi l’assistant du compositeur Zad Moultana, dans le cadre d’une recherche entre notation musicale et improvisation, à la Fondation Royaumont, celle-là même qui a accueilli Fabrizio Cassol et ses musiciens pour le projet Alefba. Enfin, à la batterie, Xavier Rogé qu’on a pu entendre avec Darwin Case, PiXL et Ibrahim Maalouf et qui fut aussi le batteur de Wang Wei. La réunion de ces cinq musiciens n’est donc pas due au hasard. Si l’on jette un coup d’oeil rapide sur le répertoire, on pourrait, de prime abord, avoir une impression d’éparpillement : aux côté de 5 compositions personnelles, l’une d’inspiration africaine (Goma) une autre d’inspiration arabe (ahel Al Muntanah); un Aria de Bach; Les Feuilles Mortes, le classique de Kosma; Letter From Home de Pat Metheny et un emprunt à Led Zeppelin, Bron-Yr-Aur de Jimmy Page. Ce serait oublier que, comme le proclame Frank Tortiller à propos de son projet “Janis the Pearl”, le jazz est une musique d’appropriation : peu importe la matière de départ, ce qui compte c’est la manière dont on va la traiter, l’arranger et l’orchestrer. Ce qu’a parfaitement réalisé Emmanuel Baily, offrant au travers de ce kaléidoscope musical une image fidèle de sa personnalité au carrefour d’influences diverses. Que ce soit sur l’Aria de Bach, moment de grâce “extatique” pour reprendre le mot de Manu, sur East Coast West Coast confrontation de deux univers, Les feuilles mortes dans un arrangement et sur un rythme très original, Goma avec ses accents africains inspirés d’un voyage émouvant en République Démocratique du Congo, Sahel Al Mumtanah, avec sa partie vocale de Khaled reprenant des vers du poète Busiri du XIIIe siècle ou cette Bossa de l’Hiver avec son rythme endiablé, on retrouve la même complémentarité de sonorités, la même complicité entre guitare et oud (avec des solos sur East Coast West Coast et Sahel), la même osmose entre clarinette et cornet à bouquin. Si le cornet à bouquin est parfois présenté comme l’ancêtre de la trompette (“ancien instrument en bois à perce conique, comprenant des trous de jeu, ainsi qu’une embouchure en bassin, comparable à celle de la trompette” dixit Jacques Siron, dans son “Dictionnaire des mots de la musique”), sa sonorité boisée est, en fait, plus proche du hautbois ou du serpent et se marie parfaitement à celle de la clarinette. De son côté, Xavier Rogé, avec sa frappe sèche, tisse des rythmes complexes qui dynamisent chacune des compositions (écoutez-le notamment sur Bossa de l’hiver). Enfin, trois plages sont dédiée à la seule guitare :  Night Stork, envol solitaire de la cigogne noire, Letter From Home et Bron Zr Aur, jolies mélodies, telles des berceuses, que Manu a souvent jouées à ses enfants. Voilà un projet “transgenres” parfaitement abouti, une belle alliance en East Coast et West Coast, entre passé et présent.
Claude Loxhay

Prochains concerts

20 novembre : Espace Senghor, Bruxelles
26 novembre : Festival de la Guitare à Verviers
27 novembre : Les Chiroux, Liège