Aleph Quintet : Shapes of Silence
La musique d’Aleph Quintet, nous dit le dossier de presse, c’est la rencontre entre le jazz moderne et les sonorités (oud et violon) des musiques traditionnelles du Maghreb et du Moyen-Orient. Mais au-delà, c’est bien à une véritable fusion culturelle qu’on assiste ici. Les compositions évoluent sur des plans multiples telles des architectures complexes qui prennent des formes différentes en fonction de leur angle d’observation. Ainsi, le premier titre « Let’s Move » commence comme une de ces chansons berbères bien cadencées, rapidement amplifiée par une rythmique en feu concoctée par le bassiste Théo Zipper et le batteur Maxime Aznar. Et puis soudain, tout se transforme : le point d’équilibre bascule vers un jazz moderne débridé dont les variations effrénées dévalent à toute allure des reliefs escarpés. Quelques oasis de sérénité émergent ici et là avec le violon expressif de Marvin Burlas mais quand le piano de Wajdi Riahi prend le relai, la musique redevient intense avant de se raccrocher au thème incandescent qu’on avait complètement oublié. C’est magistral, riche en couleurs et totalement inattendu.
Formé en 2018, le quintet était venu en Tunisie en octobre 2019 où il avait joué au Palais de la Culture de Tunis, remportant un succès bien mérité. A cette occasion, le groupe avait d’ailleurs reçu le Tanit d’Argent (second prix des Journées Musicales de Carthage) récompensant une prestation aussi remarquée que remarquable. Plus de trois années ont passé et leur musique s’est encore densifiée et complexifiée, dépassant allègrement les codes du genre. Entre mélodies nostalgiques aux effluves subtilement orientales au sein desquelles brille l’oud envoûtant d’Akram Ben Romdhane (« Parfums ») à la fusion contagieuse et sans frontière d’« Okhoua », dominée par les vibrants coups d’archet de Marvin Burlas, en passant par l’introduction atonale et avant-gardiste de « Désirs », on ne s’ennuie jamais. Et puis, cerise sur le gâteau, le saxophoniste Fabrizio Cassol du groupe Aka Moon est venu jouer sur deux titres (« Peace » et » Morning Mist »), parachevant ainsi le brouillage référentiel qui interdit définitivement de coller à cette musique inspirée une quelconque étiquette réductrice.
Après avoir réservé une ultime mention, d’une part, à la belle pochette surréaliste et, d’autre part, à l’artiste syrien Mohammad Zaza qui a illustré les neuf compositions dans un beau livret de 12 pages, transformant ainsi l’album en un objet-disque désirable, c’est une Palme d’Or (ou un Tanit, comme on voudra) qu’on décernera cette fois à l’Aleph Quintet pour cette fascinante première production.
Aleph Quintet en concert « album release » au Théâtre Marni (Bruxelles) ce vendredi 20 janvier, puis en tournée en Belgique à partir du mois de mars.