Anemic Cinema : Iconoclasts

Anemic Cinema : Iconoclasts

Ramble Records

Anemic Cinema (oui, comme le titre du court-métrage de 1926 de Marcel Duchamp), groupe gantois, s’était fait remarquer il y a deux ans suite à la sortie d’un mini album de 5 titres (« Anemic Cinema ») qui parvenait brillamment à faire un lien entre jazz et rock, avec une identité bien propre (une guitare et une batterie très rock, hard selon certains, associées à un duo de souffleurs n’hésitant pas à lorgner vers le free par moments). Ce premier véritable album, « Iconoclasts », confirme tout le bien que l’on pensait de ces quatre musiciens, à savoir le guitariste et compositeur de tous les titres, Artan Buleshkaj, le batteur Matthias De Waele et les souffleurs Rob Banken (saxophone alto, clarinette) et Steven Delannoye (saxophone tenor et clarinette basse). L’album commence en force avec « Oneirophrenia », courte plage de 3 minutes trente, amorcée par des riffs tranchants de guitare, qui, avec une batterie fougueuse, forme la section rythmique (il n’y a pas de bassiste dans ce groupe), suivis par des cuivres déchaînés qui vont très vite installer un désordre, splendidement maîtrisé. Brillant.

Vient ensuite la trilogie « Iconoclasts », avec en introduction des clarinettes installant un paysage mélodique séduisant, une certaine sérénité qui, dès l’entame de la deuxième partie du titre, est rompue par une sonorité de guitare mordante, bientôt suivie dans cette frénésie par le reste du groupe et par des dialogues saxophones-guitare (au son de plus en plus dur). Une paisible clarinette basse sert de tremplin entre les deuxième et troisième parties de ce morceau, préface à une nouvelle explosion, à cette folie propre au groupe qui va conclure cette trilogie de plus de 13 minutes sur un rythme endiablé avec des solos (très free) de saxophones qui s’entrecroisent et un soutien percutant des guitare et batterie. « Business in the Front, Party in the Back » et « Tessellate » avec entre les deux une très courte (une minute) gâterie cacophonique (« In Silico ») prolongent cette atmosphère faite de phases nerveuses se mêlant à des moments beaucoup plus calmes. L’album se clôture par « 108 » et son ambiance étonnamment paisible avec une guitare qui s’est faite acoustique et des clarinettes mélangeant des influences jazz et classiques, créant une combinaison sonore captivante et profondément belle. Ce dernier titre démontre, si besoin en était, toute l’étendue du talent du groupe et met en valeur chacun de ses membres dans une texture différente. Grand.

Si vous aimez les musiciens flexibles n’ayant pas peur de prendre des risques et osant s’orienter vers des sonorités indéfinissables et hybrides, Anemic Cinema est pour vous. Et espérons que des organisateurs bien avisés n’attendront pas trop longtemps pour nous proposer ce splendide groupe en concert.

Sergio Liberati