Benjamin Sauzereau Remorque : Un

Benjamin Sauzereau Remorque : Un

W.E.R.F. Records / N.E.W.S.

Benjamin Sauzereau joue, écrit, compose. Beaucoup. Tout le temps. Je m’y perds dans sa discographie, dans ses projets, dans ses groupes (Dear Uncle Lennie, Synestet, Fur, Warm Bad, Les Chroniques de l’Inutile…). Le guitariste a de la musique plein la tête alors, forcément, ses tiroirs s’emplissent d’intentions, de notes, de partitions. Avec « Remorque » (qui porte bien son nom, vous verrez), il a décidé de sortir et de publier ses musiques laissées en jachère. Car la musique doit être entendue, doit vibrer, doit s’échapper. « Remorque » n’est pas un groupe, mais une union avec plusieurs musiciennes (Amèle Metlini, Ananta Roosens, Annemie Osborne) choisies spécifiquement pour donner la bonne couleur à ses idées. Pour ce « Un », qui augure inévitablement d’une suite (allant peut-être jusqu’à dix, d’après le leader) il s’est entouré de cordes (violon, alto, violoncelle) et, ici ou là, d’un soupçon de piano (Dorian Dumont), de keyboards (Camille-Alban Spreng) et de vibraphone (Martin Méreau) pour épicer légèrement certains morceaux.

L’ambiance est à la mélancolie, au recueillement et à la délicatesse d’un autre temps. Sauzereau laisse courir ses sentiments bucoliques (« Inesatta precisione ») ou ambigus (« La case »), évoque ses rencontres (« Angelo ou la signification des choses », « Jules »), partage ses doutes (« L’homonyme », « Fur », « Entre-deux »). Archets soyeux ou revêches, pizzicati frêles ou âcres, fusion sensuelle ou rivale, les arrangements sont aussi riches que les histoires sont intrigantes. Équilibre délicat des contrepoints, des harmonies et des mélodies qui, parfois, semblent inachevées comme pour mieux laisser l’auditeur inventer ou rêver la suite du récit.

Bien sûr, on pourrait jouer au jeu des références et des influences (Morton Feldman par-ci, Pierre Boulez ou Schönberg par-là) mais la musique de Sauzereau, très écrite tout en laissant de belles libertés à ses compagnes de l’instant, lui est bien personnelle.

Cette première « Remorque » ravit autant qu’elle donne envie d’en découvrir les suivantes. A suivre, bien sûr.

Jacques Prouvost