Biréli Lagrène : Plays Loulou Gasté

Biréli Lagrène : Plays Loulou Gasté

Dreyfus Jazz

Louis Gasté était un compositeur de chansons dont beaucoup connurent un beau succès dans les années 40 et 50. Sa rencontre en 1945 avec celle qui deviendra sa femme et son interprète principale sous le nom de Line Renaud lui sera bénéfique en termes d’activités et de reconnaissance internationale. C’est Line Renaud qui a demandé au guitariste Biréli Lagrène de revisiter en mode manouche le catalogue de son mari, décédé en 1995 à l’âge de 86 ans. Le fil rouge de cette collaboration, c’est l’amitié entre Loulou Gasté et Django Reinhardt. Car Louis était aussi un excellent guitariste, surtout rythmique, sur lequel on pouvait toujours compter pour faire la pompe à une vitesse infernale et, selon Line, il n’était pas rare que Django passe chez eux pour une jam session. Il est même arrivé une fois, en septembre 1937, alors que les deux hommes avaient chacun une séance d’enregistrement séparée dans les Studios Pathé, qu’ils décident dans la foulée d’enregistrer ensemble deux titres de jazz : « Saint-Louis Blues » et le « Bouncin’ Around » de Gus Deloof. On y entend Django « soloter » sur un accompagnement assuré à la guitare par Loulou Gasté et à la basse par Eugène d’Hellemmes.

Évidemment, la proposition de Line était du pain béni pour un Biréli qui a récemment confirmé être traversé par un désir de simplicité et vouloir revenir à l’essentiel, au plus proche de la mélodie, sans recourir nécessairement aux acrobaties techniques. Il s’est donc emparé goulûment de quelques-unes des chansons de Louis Gasté parmi les plus connues, comme Ma cabane au Canada, Le soir et Rose de mai, et tout en restreignant ses ardeurs virtuoses, en a donné avec son aisance coutumière des versions instrumentales acoustiques dans le style manouche popularisé par Django. Accompagné par son Gypsy Trio habituel, qui comprend le guitariste rythmique Hono Winterstein et le bassiste Diego Imbert, Biréli (en)chante les mélodies et les habille de swing avec une simplicité qui n’a d’égale que la clarté de son phrasé. À noter qu’on trouve aussi dans le répertoire, la fameuse ballade « Pour toi » dont le thème avait été « emprunté » sans autorisation par un chanteur brésilien et qui était devenue, sous le nom « Feelings », un hit outre-Atlantique repris, entre autres, par Shirley Bassey, Frank Sinatra et Elvis Presley, avant d’être réattribué à son auteur légitime au terme d’une bataille juridique longue de six années. Bref ! Je suis ressorti de ce disque séduit, tout comme l’a été Line Renaud et comme le seront probablement aussi tous ceux qui voudront bien l’écouter.

Pierre Dulieu