Brussels Jazz Flagey 2024

Brussels Jazz Flagey 2024

Casimir Libersky © Oliver Lestoquoit

Au mois de janvier, le CC Flagey, aime faire une large place aux nouveaux talents, belges et étrangers. C’est encore le cas en 2024, du 11 au 20 janvier. Je n’assisterai pas à tous les concerts, mais voici quelques échos de mes escapades à Ixelles.

Marcin Wasilewski Trio

Marcin Wasilewski (p), Slawomir Kurkiewicz (b), Michal Miskiewicz (dm)

Flagey, 11 janvier 2024

Trente ans ! Cela fait trente ans que ces trois musiciens polonais jouent et dialoguent; c’est assurément un gage d’unité. Le répertoire est majoritairement constitué de compositions originales présentes sur leur dernier album : « En Attendant » (ECM Records, 2021), mais aussi : une relecture des « Variations Goldberg n° 25 » de Jean-Sébastien Bach et des démarcations de thèmes du répertoire pop de Sting, Björk et The Doors (e.a). L’entame du concert est très symphonique, créant des climats à la limite de l’ennui, malgré la beauté du jeu, les variations rythmiques, la distribution des courts solos et l’osmose entre les artistes. Il fallut attendre le septième morceau pour retrouver le groove et le swing qui justifient l’incorporation dans un festival étiqueté «jazz».

Liberski, Osby, Grenadier, Waits

Casimir Liberski (p), Greg Osby (as), Larry Grenadier (b), Nasheet Waits (dm)

Flagey, 12 janvier 2024

Le lendemain elle était souriante (la soirée) ! Je n’en attendais pas moins à la lecture des noms des accompagnateurs du jeune pianiste bruxellois que j’avoue mal connaître. Pour paraphraser le slogan des Lundis d’Hortense, je dirais d’emblée : C’est du jazz Fieu !

Il n’y a pas grand-chose à rajouter à la notoriété des acolytes qui ne cessent de se croiser chez Brad Mehldau, Jason Moran, Geri Allen (ⴕ), Steve Coleman, John Scofield ou Charles Lloyd. Technique parfaite, écoute attentive et créativité sont au rendez-vous ! Artiste en résidence à Flagey pour trois concerts, Casimir Liberski (p) était venu avec ses compositions, dont «Where Are You», «Osby» dédié à son saxophoniste et «Noto» : un original très « monkien ». Outre Monk, le pianiste a fait étalage de ses incursions dans les fulgurances free (« Iron Man » d’Eric Dolphy). Mais, ce qui m’a immédiatement frappé : c’est son toucher souple, délié et terriblement puissant, percutant ! Les phrases sont riches, usant de nombreuses syncopes; les rythmes complexes sont du « petit lait » pour Nasheet Waits (dm). Greg Osby (as) fait admirablement sonner son alto dans tous les registres. Larry Grenadier (b) assure, de connivence avec Nasheet Waits (dm) et pas seulement dans les 4/4 ! Le temps paraît trop court à l’issue de ce beau concert d’une facture quelque peu surréaliste. En réponse aux applaudissements nourris, le quartet reprend « Miyako » de Wayne Shorter : une conclusion très classe !

Anneleen Boehme © Olivier Lestoquoit

Anneleen Boehme solo, Yannick Peeters «Ginger Black Ginger», Sophie Tassignon Quintet

Ginger Black Ginger : Yannick Peeters (b), Frédéric Leroux (g), Frans Van Isacker (as, bcl), Samuel Ber (dm)
Sophie Tassignon 5t : Sophie Tassignon (voc), Peter Van Huffel (as, bcl), Roland Fidezius (eb), Mathias Ruppnig (dm) & Peter Meyerl (g).

Flagey, 16 janvier 2024

Yannick Peeters © Olivier Lestoquoit

Audacieuse programmation pour cette soirée en trois concerts allant de 19h30 à 23 heures. Intéressante programmation aussi qui met en valeur deux contrebassistes flamandes. La première : Anneleen Boehme, pratique une « Grand’Mère » de facture classique alors que Yannick Peeters joue sur une ¾ mieux adaptée à la vélocité – J’avoue ma préférence pour le second instrument qui me paraît un meilleur choix pour la pratique du jazz.

Quoiqu’il en soit, Anneleen Boehme (b) osa jouer seule… accompagnée de loops, bien entendu ! A cet exercice périlleux consistant à superposer trois ou quatre lignes, alternant pizzicatos et coups d’archet, elle s’en sort diversement. Pour le premier titre, elle pose une note répétitive puis quelques accords, un solo à l’archet et un final pizzicato. Ainsi de suite et variant les approches elle termine avec son quatrième morceau, « Lullaby » : un hymne de bonne facture.

Les quatre musiciens de GingerBlackGinger sont emmenés par Frans Van Isacker (bcl) et Frédéric Leroux (g), sociétaires du jazz libertaire. On est tout de suite plongés dans les débordements free avec l’assentiment de Samuel Ber (dm), alors que Yannick Peeters (b) maintient une ligne généreuse, habituelle et – osai-je dire : traditionnelle. Pour le troisième opus, Frans Van Isacker (as) débute par une (trop) longue évocation des poules dans la basse-cour, heureusement continuée par de jolies harmoniques. Frédéric Leroux (g) n’est pas en reste qui introduit le n° 4 seul, avant une conclusion en groupe sur « Anything Other » : une sorte d’hymne (aussi). Il fallait bien susciter quelques applaudissements!

Sophie Tassignon © Olivier Lestoquoit

Nettement plus conforme à notre esthétique, Sophie Tassignon (voc) ose présenter ses chansons dans une langue qu’elle veut sienne : l’arabe ! La voix est très belle dans un registre medium, puissant. Pour sûr et malgré, elle groove et elle swingue ! La réverb’ bonifie son chant. Peter Van Huffel (as, bs) surprend par sa dextérité sur l’instrument emblématique de Gerry Mulligan. Le quintet est soudé; les musiciens viennent tous, en solo, confirmer leur appartenance et leurs indéniables qualités de jazzmen… Enfin ! Ils concluent avec « The Letter » : une autre composition de Mohammad Mallak, un beau solo de basse-électrique et un autre à l’alto.

Merci à Olivier Lestoquoit pour les photos.

Jean-Marie Hacquier