Duo Wissels-Lee @Mercedes House

Duo Wissels-Lee @Mercedes House

Du jazz au miel…

C’est au Mercedes House, royaume des automobiles allemandes, que ce 30 octobre nous eûmes droit à l’une des rares performances du duo Diederik Wissels/Jihye Lee. Dans une atmosphère cosy et toute rutilante des carrosseries des voitures qui encerclent la scène comme un second public, c’est deux générations de musiciens qui se rencontrent le temps d’une soirée. Portrait.

Le maître et l’élève

Nul besoin de présenter le musicien émérite qu’est Diederik Wissels. Aguerri par des décennies de pratiques, cet hollandais pratique son art avec une dextérité des plus agréables. C’est en 1968 qu’il s’installe en Belgique, mais dès 1978 il décide d’aller étudier au Berklee College of Music de Boston pour y apprendre les rudiments de la musique. Il reviendra après 4 fructueuses années au plat pays, pour y poursuivre une carrière jalonnée de prix et de rencontres au sommet avec des artistes de renommée internationale (Chet Baker, Toots Thielemans, Joe Henderson et Junior Cook entre autres). Devenu un ponte de la scène jazz belge, il partage désormais en parallèle sa passion auprès de centaines d’élèves au Conservatoire Royal flamand de Bruxelles.

Plus connu pour ses collaborations avec son alter-ego au chant David Linx, il fut cette fois-là accompagnée de sa jeune élève prodige, Jihye Lee. Jeune chanteuse d’origine sud-coréenne, biberonnée au jazz de l’école du Hague – elle y obtient son bachelor – puis au Conservatoire Royal de Bruxelles – où elle y décroche un master, après avoir suivi notamment les cours des deux musiciens précités – elle est promise déjà à un bel avenir, avec un prix Brussels International Young Jazz Singers empoché en 2007 et un premier album sorti en 2012. Sa particularité ? Mêler des rythmes jazzy avec des sonorités issues de la musique coréenne traditionnelle…

Un concert au goût de miel

Le concert s’entame doucement, le tempo est lent et mielleux, les mélodies proches du pop. On voit déjà une certaine complicité s’afficher ostensiblement entre les deux musiciens. L’élève vole sans l’aide du maître – ou pour filer la métaphore, la conductrice n’a plus besoin de son auto-école. Le rythme est maîtrisé, calme, peut-être un peu trop par moments ; Diederik, qui n’est pas un coutumier des envolées lyriques ou du doigté rapide, semble cependant avoir un jeu plus corseté qu’à son habitude. L’inexpérience de la jeune chanteuse se fait aussi par moments ressentir, avec un académisme qui voile hélas certaines de ses émotions. Gare à l’influence de l’environnement ! La froideur des carrosseries semble en effet porter préjudice au duo.  L’audience écoute néanmoins avec un silence religieux et une attention poussée.

Le nouveau projet Wissels/Lee, qui reproduit ici notamment des compositions faites pour le label jazz belge Igloo, enchaîne les morceaux à un rythme soutenu. Les compositions coréennes, de manière surprenante pour les étrangers à cette langue, furent parmi les plus intéressantes, faisant ressortir l’originalité de cette chanteuse. Une originalité que nous espérons voir cultivée dans le futur par Jihye Lee. Les textes de l’anglais Percy Shelley (« Love philosophy » nous vient en tête) sont doux à l’oreille, mais ceux de l’américaine Sarah Teasdale font moins mouche. Les textes paraissent trop sirupeux, les considérations sur les couleurs et les oiseaux font ressortir un romantisme sans vigueur. Heureusement, la maîtrise du pianiste couvre ces quelques tâches. Pourtant rien ne permet de masquer une certaine déception en approchant la conclusion. Diederik Wissels a dit dans un entretien que si l’on joue « une ballade, puis une autre, et encore une autre à la suite, il n’y a plus de surprise », et pourtant il aura fallu attendre les deux derniers morceaux pour entendre autre chose qu’une ballade. Un peu de groove pour clôturer un concert intéressant mais somme toute décevant, compte tenu du potentiel des deux musiciens. Nous ne voulons pas jeter la première pierre, car nous connaissons leur talent respectif, mais nous leur disons amicalement : peut mieux faire !

Galaad Wilgos